vendredi 23 février 2024

Mémoires et radotages (530) – Stress des débutants

 

Écrit le 17 février 2024

 

Je me souviens de mes débuts dans mon premier emploi : Ingénieur d’études et d’exécution, statut "A", débutant… Les premiers six mois, études de prix et recherches de solutions originales in situ, pour minimiser les coûts, n’étaient pas stressants, mais intéressants, tout en me valorisant à mes propres yeux et me donner confiance en moi-même…

Il en fut tout autrement, les six mois suivants : En me confiant un chantier de route nationale nouvelle traversant une rivière sur un pont fixé à un barrage, en remplacement d’un conducteur de travaux confirmé muté sur un chantier beaucoup plus important, je déchantais assez rapidement… Le poids de nos énormes engins était si important que le pont vibrait et menaçait de se fissurer. Je compris dès lors, pourquoi le conducteur de travaux muté, gagnait 4 fois plus que moi…

L’analyse des rythmes des cycles des engins sur le chantier n’avait aucun secret pour moi, et la synthèse amenant aux solutions pareillement…

Mais voilà, le charisme n’était pas au rendez-vous et mon statut de débutant ne donnait pas vraiment confiance à mon personnel et surtout aux cadres du siège. Comment dès lors faire appliquer mes consignes et m’imposer ? Comment ne pas avoir des doutes sur mes solutions ?

Un autre aspect, était la fréquence des problèmes nouveaux pour moi et qui avaient souvent trait à l’humain ! Certains (je pense à un client : la Compagnie Nationale de Rhône sur un deuxième chantier), ont profité d’avoir affaire à un novice, pour obtenir des avantages sur le chantier, causants ainsi des pertes dans le compte d’exploitation.

Alors, stressé par ces problèmes dont je n’avais pas le plus petit début de solution, je passais des nuits blanches, taraudé et inquiet !

Cela a duré des mois ! C’est cela l’enfer du débutant !

Le point d’orgue a été l’addition d’un autre chantier à 150 km… Je ne parvenais pas à régler tous les problèmes des deux premiers chantiers, alors que j’en mettais un troisième en route…

Ce nouveau site, un barrage terre, je l’ai traité comme prévu dans l’étude de base avec beaucoup de précautions et d’optimisations, en maximisant la sûreté tant qu’à faire !

Manque de chance, malgré les membranes étanches posées dans les règles de l’art, le barrage fuyait et d’après mes calculs, il ne se remplirait jamais ! En fait, la DDE qui avait fait faire tous les sondages et calculs de faisabilité, n’avait pas découvert, que même en profondeur, le substrat était complètement calcaire, poreux et fissuré et  ne permettrait jamais l’élaboration du barrage pour ce lac artificiel à vocation touristique… Il aurait fallu une énorme campagne d’injections !!!

Un second problème de taille s’imposait : Malgré les rythmes soutenus conformes à l’étude, nous faisions une perte de 50% sur notre compte d’exploitation !

....................

Mais après tous ces mois de tourment et d’insomnies, j’ai appris une chose essentielle : Quand on a des problèmes aussi importants, il faut se dire que la solution viendra plus tard et qu’il fallait dormir en se répétant cela, par la méthode Coué !

Effectivement, j’ai enfin réussi à dormir. Et même si cela ne m’a pas appris le charisme pour imposer mes idées, même si je n’ai pas trouvé de solution à tous les problèmes, mais seulement à quelques uns, j’avais trouvé une solution pour tenter de comprendre le pourquoi de ces pertes : J’ai réclamé les brouillons de calculs des cadences… Il y avait une faute dans la formule : il manquait un diviseur par 2 dans la formule utilisée par M Bonzom… Voilà pourquoi, je perdais du fric !

Mais voilà ce Monsieur Bonzom, ancien de confiance était intouchable… J’ai appelé mon supérieur, le directeur de travaux qui était dans la vallée blanche à 300 km, ancien commandant, lui ai expliqué l’erreur de calcul… Il était mécontent, mais ce n’était pas lui qui m’avait confié ce chantier, mais Bonzom et ses supérieurs !!!

Après une bonne nuit de sommeil, je suis parti pour le siège ! J’ai expliqué à l’un des directeurs, Monsieur Dumazet, l’erreur de calcul fatal… Il était gêné… Il en a parlé à Bonzom en loussedé… Le Bonzom m’est tombé dessus, l’air plutôt menaçant… Il ne me faisait pas peur, physiquement j’étais capable de me défendre ! Mais j’ai compris illico que je n’aurais jamais la gagne dans ce match truqué. La direction générale préférait me rendre coupable de ces pertes financières…

En milieu d’après midi, j’ai écrit et donné ma démission, c’est la seule solution que j’avais trouvé pour me sortir de ce nœud de vipères !

Bonzom gardait toute sa légitimité d’ange innocent… Et moi j’étais le problème résolu par ma démission ! Tout le monde était content… Même l’ancien commandant qui savait la vérité, qui a eu une moue de pitié, mais ne contrariait pas l’ambiance générale de la direction et des autres cadres supérieurs ! On me promit quand même des éloges en cas d’appel d’un nouvel employeur se renseignant à mon sujet… C’était le prix de mon sacrifice !

Tout était bien qui finissait bien, même pour moi, quand j’ai passé la porte de sortie avec mon solde de tous comptes en fin d’après midi !

Je n’avais plus qu’à rechercher un autre taf… Mais ce coup-ci j’avais appris que la solution d’un problème vient toujours toute seule, après une bonne nuit de sommeil. Le cerveau travaille pendant que l’on dort et il trouve des solutions !

 

C’est cela que j’ai appris, ainsi qu’il fallait devenir dur dans l’environnement impitoyable,  lors de cet emploi d’un an pile !

         

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