mercredi 11 mars 2020

Macron – Le séparatisme



Séparatisme ? Cessons de jouer sur les mots ! (Titre sur Marianne 1199 du 21 février)

"Séparatisme" : le tour de passe-passe d'Emmanuel Macron pour ne pas "stigmatiser" les communautés. (Titre sur www.marianne.net du 19 février)

Par Natacha Polony :


Commençons par le commencement : les mesures annoncées mardi par le Président de la République sont bonnes. Elles constituent un préalable à toute action de reconquête républicaine. En finir enfin avec les enseignements de langues et cultures d’origine, prodigués par des gens ne parlant pas un mot de français et maintenant les enfants dans une vision du monde aux antipodes des valeurs fondatrices de la nation, avec ces « imams détachés » prêchant un Islam venu de sociétés théocratiques, relève de l'urgence. Comment espérer une pratique apaisée de l’Islam par les Français de confession musulmane si on les livre aux intérêts de pays étrangers, sous prétexte qu’ils sont les pays d’origine de leurs parents ou grands-parents ? Comment les dirigeants successifs, de droite comme de gauche, ont-ils pu maintenir un système détachant volontairement les musulmans de la communauté nationale ? De même qu’on se demande comment des élus de la République, comme Jean-Christophe Lagarde à Drancy, ont pu, pendant si longtemps, acheter la paix sociale en laissant des représentants d’une religion compenser le retrait de l’Etat et la destruction des services publics. Le discours d’Emmanuel Macron marque un tournant, et, en cela, il doit être salué.

Pour autant, la réponse qu’il apporte est-elle suffisante, et surtout, repose-t-elle sur le bon diagnostic ? Certes, il nous promet des annonces successives pour désamorcer tout débat : ne critiquez pas, vous n’avez pas la suite du plan… La stratégie devrait permettre « d’enjamber les municipales », comme on dit chez les commentateurs politiques. Mais on a compris l’essentiel : il s’agit une fois de plus de jouer sur les mots pour ne fâcher personne. Quitte à oublier qu’il n’y aura pas de reconquête républicaine si l’on ne comprend pas ce qu’est la République et ce qui la menace.

Le séparatisme que le Président n’ose dire islamiste est celui des salafistes quiétistes dont une certaine gauche nous prétend qu’il n’est pas dangereux puisque, justement, ils sont quiétistes

« Séparatisme ». Le mot à tout pour plaire, et d’ailleurs, il plaît à cette gauche qui jusqu’à présent niait qu’il y eût des « territoires perdus » et des populations volontairement en marge de la communauté nationale. Dans Libération, Laurent Joffrin applaudit. Le « communautarisme » serait le mot de « la droite et l’extrême droite ». Les mêmes qui ont eu tant de mal à prononcer les mots « terrorisme islamiste » nous expliquent désormais qu’il n’y a pas de communautarisme en France, que ce concept laisse croire qu’on ne pourrait pas avoir « des liens d’affinité » avec des gens partageant « la même origine ou la même foi ». Traduction : ceux qui dénoncent le communautarisme n’aiment pas les musulmans… Emmanuel Macron est moins bête. « Je ne suis pas à l’aise avec le mot communautarisme, explique-t-il. On peut appartenir à une famille de pensée, avoir une religion, des origines étrangères auxquelles on tient tout en étant pleinement Française et Français dans la nation. On peut se sentir des identités multiples si on respecte les lois de la République. » En gros, il n’est plus question de considérer que la République ne reconnaît que la communauté nationale. Les communautés, c’est formidable (on en est même, en France, à parler de « communauté noire », comme si Africains et Antillais étaient semblables du seul fait de leur pigmentation). C’est nier que le communautarisme est l’enfermement des individus dans une supposée communauté uniforme et que, justement, le communautarisme nie les appartenances multiples et surtout changeantes. La République, au contraire, oppose au « droit à la différence » le droit à être différent de sa différence, à n’être pas réduit à elle.

Mais allons plus loin. Le séparatisme que le Président n’ose dire islamiste est celui des salafistes quiétistes dont une certaine gauche nous prétend qu’il n’est pas dangereux puisque, justement, ils sont quiétistes. Il n’est qu’une petite partie du problème. Le Président a raison de le refuser fermement, mais si l’objectif est de mettre tout le reste sous le tapis, il échouera. Quand des élèves expliquent à un professeur que le Coran contient des vérités scientifiques et que « lui croit ce qu’il veut » mais qu’eux garderont leur croyance, quand un sondage nous explique que 59% des 15-24 considèrent, façon Belloubet, qu’insulter une religion est une atteinte à la liberté de conscience, s’agit-il de séparatisme ?

Au cœur de la civilisation européenne se trouve le primat de la raison universelle comme fondement du pacte social et politique. C’est cet héritage des Lumières qui est aujourd’hui balayé, notamment parce qu’une religion en voie de « refondamentalisation » rencontre cette société sécularisée, fondée sur un implicite : la discrétion des religions. L’obscurantisme partout renaissant n’est pas le fait d’une religion. Mais ceux qui défendent un Islam théologico-politique, pour lequel la religion a une emprise globale sur la vie des croyants, s’engouffrent dans les brèches creusées par le recul de la civilisation européenne en général et de la République en particulier. La République comme organisation de citoyens libres, guidés par leur seule raison et non par leurs déterminismes sociaux, identitaires ou religieux. La reconquête est donc plus vaste, parce qu’elle nécessite de retrouver et d’affirmer, par delà la diversité des croyances et des origines, une vision européenne de l’Homme et de sa liberté.
 

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