mardi 18 août 2020

Intervention de Claude MALHURET - Débat Déclaration du Gouvernement 16 juillet 2020





M. le président. : La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et Les Républicains.)

M. Claude Malhuret. : Monsieur le Premier ministre, pendant la guerre du Vietnam, le monde entier s’était moqué d’un commandant américain, accusé d’avoir rasé un village, qui avait eu cette explication bizarre : « Lorsque nous sommes arrivés, l’ennemi était déjà là. Pour sauver le village, nous avons dû le détruire. »

Aujourd’hui, pour sauver le monde de la pandémie, il a fallu sacrifier l’économie. Voilà la situation redoutable dans laquelle vous entamez votre mandat. Autant dire que l’on vous a confié un job à 10 000 aspirines, monsieur le Premier ministre ! (Sourires.)

Toutefois, il faut toujours regarder le bon côté des choses, surtout lorsqu’il n’y en a pas… (Rires dans la salle.) Le temps dont je dispose étant inversement proportionnel à l’ampleur du sujet, je me bornerai à trois réflexions.

Ma première remarque concerne le mythe de l’État père Noël.

La France sortira essorée de la crise. Les démagogues vont se déchaîner, à commencer par les marchands d’illusion de la dépense publique illimitée, mouvement alimenté par l’improbable quatuor Soros, Minc, Pigasse, Mélenchon, lesquels ont décidé de promouvoir en commun l’idée qu’il était devenu ringard de rembourser ses dettes. (Sourires dans la salle.)

Les rois d’autrefois avaient déjà trouvé une solution, qui consistait à trancher la tête de leurs créanciers.

Le monde est devenu plus doux. Aujourd’hui, on nous propose seulement de les ruiner ! (Sourires.) Les économistes s’affrontent désormais là-dessus sur Twitter et BFM, comme les médecins sur la chloroquine. Le principal intérêt de ces débats est de redonner des lettres de noblesse aux astrologues.

Néanmoins, ce qui est grave, c’est que cette croyance va faire déployer toutes les banderoles à la rentrée, puisqu’elle implique qu’il n’y a plus de limite au financement à crédit et à l’infini de toutes les politiques publiques. Elle renforce l’idée bien française que l’argent public est comme l’eau bénite et que chacun peut se servir. (Sourires.)

Bien sûr, pour l’heure, il n’y a pas d’autre solution que le keynésianisme sous stéroïdes adopté par le monde entier et qui nous a tellement manqué, en 2009, quand une certaine Banque centrale européenne agissait plus comme un club sadomasochiste que comme la bouée de sauvetage qui nous aurait remis à flot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes LaREM, UC et Les Républicains.)

Vous avez raison, monsieur le Premier ministre, de recourir à une telle solution. Mais gardons-nous de confondre plan de relance et financement de déficits incontrôlés. Sans cela, vu la dette que nous laisserons à nos enfants, nous ne devrons plus être surpris que les bébés crient à la naissance. (Rires dans l'hémicycle.)

Je dis cela, car, alors que l’on ne parle à juste titre que de l’emploi, l’on a parfois l’impression que certains de nos concitoyens éprouvent quelque peine à envisager la reprise du travail. La France possède tout de même le seul syndicat au monde ayant déposé un préavis de grève le jour du déconfinement et traîné au tribunal les entreprises qui redémarraient à grand-peine. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, Les Républicains et UC.)

Le Président de la République avait déclaré en avril dernier : « Il n’y a pas d’argent magique ». Puissiez-vous, monsieur le Premier ministre, tenir ce cap et expliquer sans relâche que la clé de la reprise est le travail, pas l’argent tombé du ciel.

Ma deuxième remarque est la suivante : depuis les élections municipales, nous sommes tous « écolos » ! Le bonheur est dans le pré ! (Sourires.) C’est une excellente nouvelle. Mais quelle écologie ?

Le « tout le monde il est beau, tout le monde il est écolo » est trompeur. Il y a effectivement deux écologies, comme, je crois, vous l’avez souligné hier à l’Assemblée nationale, monsieur le Premier ministre : celle de la croissance et celle de la décroissance.

La convention citoyenne pour la transition écologique a accouché de trois sortes de mesures.

Les premières sont des mesures techniques, souvent déjà entreprises, comme la rénovation des logements. Elles ne posent pas de problème.

Les deuxièmes sont des solutions à la française qui ne coûtent rien, proclament des bons sentiments et rendent les lois bavardes. Je pense, par exemple, à l’inscription de l’environnement dans la Constitution ou au crime d’écocide. Ces mesures ne feront que gonfler encore nos codes, qui ressemblent déjà à des sculptures de Jeff Koons. (Sourires.)

Les troisièmes, enfin, constituent un catalogue de contraintes qui sont le fonds de commerce des ONG décroissantes. La décroissance est l’opium des bobos, comme nous l’ont prouvé récemment avec éclat, en une du Monde, dans une proclamation aussi subversive que du fromage à tartiner, une brochette de stars « kérosène » au bilan carbone le plus élevé de la planète. C’est risible, mais ce n’est pas drôle ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Ce qui est ennuyeux, c’est que la convention s’est gardée de répondre aux questions essentielles. Comment parvenir à une énergie décarbonée dans l’hypothèse où l’on décide de se passer du nucléaire ?

Comment faire cesser l’hypocrisie de l’importation de millions de tonnes d’OGM, tout en interdisant les OGM à nos agriculteurs ? Comment faire payer les émissions de carbone chez nous et à nos frontières ?

Surtout, quelles sont les pistes pour la seule solution réaliste au défi climatique : la croissance verte, l’innovation, les nouvelles énergies, les start-up, la recherche et développement, le capital-risque, la formation ?

La France a sabordé son industrie avec une méthode simple : tout ce qui bouge, on le taxe ; tout ce qui bouge encore, on le réglemente ; tout ce qui ne bouge plus, on le subventionne. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

L’Europe a raté la grande révolution des quarante dernières années, à savoir le numérique. La prochaine révolution est celle des industries de la transition écologique, que notre absence de pétrole devrait nous faire aborder avec plus d’atouts que nos concurrents, freinés par les lobbies de l’or noir. L’avenir est là, et pas dans l’écologie du « gentil avec les arbres, méchant avec les hommes » qui ne fait croître que les ronds-points.

Ma troisième remarque – et votre troisième défi, monsieur le Premier ministre – concerne les missions régaliennes. La situation est critique. Alors que de nombreuses catégories de Français, à commencer par les soignants et les premiers de corvée, ont été admirables, les droits de retrait dans l’administration ont atteint des sommets.

La justice a quasiment suspendu son activité pendant trois mois, les greffiers n’ayant pas les moyens de télétravailler. Mais le dossier le plus alarmant est celui de la police. Sa crise touche aujourd’hui sa légitimité, ses doctrines d’intervention, son organisation et ses fonctionnaires.

Pas de chance pour nos policiers : après le chewing-gum, le McDo, les westerns et le rock’n’roll, on importe aujourd’hui d’Amérique les névroses sur la race, qui n’ont rien à faire sur nos terres universalistes (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM, Les Républicains et UC. – Exclamations sur des travées des groupes SOCR et CRCE.), et le pauvre policier de banlieue est désormais traité de porc, comme celui de Chicago.

Il est temps que les politiques, les journalistes, les intellectuels, particulièrement ceux du « camp du bien », terrorisés depuis toujours par la panique de ne pas être du côté des victimes, prennent conscience que le racisme n’est pas le fait de ceux que l’on accuse aujourd’hui, mais des faux antiracistes que sont les racialistes, les indigénistes et les décoloniaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains. – Mmes Éliane Assassi et Esther Benbassa protestent.)

Écoutons la leçon de lucidité d’Abnousse Shalmani : « Une image m’a glacée lors de la manifestation pour Adama Traoré : un policier noir se fait harceler par la foule qui lui crie : “Vendu ! T’as pas honte ?” Reprocher à un homme noir d’être un policier équivaut exactement à interdire à un homme noir l’accès à la députation, à un bar ou à un mariage mixte sous prétexte de sa couleur. […] Ce qui résonne dans ce discours, c’est la prison de la victimisation et l’essentialisation. »

Nous attendons de votre gouvernement qu’il trouve les mots pour s’opposer à cette tragi-comédie burlesque. Autant que de moyens, les policiers ont aujourd’hui besoin de respect et de considération.

À ceux qui ont décidé de discréditer la police pour mieux discréditer l’État, il faut répondre que ceux qui menacent les Français, ce sont les terroristes, les criminels, les dealers et les bandes armées de kalachnikov dans les rues, mais pas la police ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains.)

Un dernier mot : Barack Obama disait qu’il ne faut jamais gâcher une crise. Je voudrais terminer sur l’immense et paradoxale chance que nous offre celle que nous vivons en saluant l’accord franco-allemand sur un plan de relance européen. Si nous parvenons à convaincre nos partenaires, alors la crise du coronavirus aura pour conséquence un grand pas en avant de l’Europe.

C’est pour payer l’énorme dette de la guerre contre les Anglais que les Américains ont, pour la première fois, rassemblé leurs États et lancé la marche vers les États-Unis d’Amérique ; pour l’Europe, ce premier pas en vue de l’harmonisation financière, budgétaire et fiscale est essentiel.

Nietzsche disait : « l’Europe ne se fera qu’au bord du tombeau. » Il prédisait alors les guerres à venir et la sagesse de ceux qui, après 1945, ont jeté les bases de l’Union européenne.

Sa prophétie vaut aussi pour notre temps : depuis le traité de Rome, chaque crise a failli emporter l’Europe et chaque crise l’a renforcée. Celle qui sévit aujourd’hui est sans doute la plus grave, peut-être nous fera-t-elle faire le plus grand pas. Tel est le défi qui nous attend.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM, UC et Les Républicains. – M. Gabriel Attal et Mme Roxana Maracineanu, ministres, applaudissent également.)
 

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