lundi 24 août 2020

9-3, les petits arrangements des agents des impôts



Par Jules Delaverné et Frédérix Depeltry - Valeurs actuelles du 2 juillet 2020

C'est une affaire qui fait tache dans les rangs d'une administration qui se targue d'incarner la rigueur et la probité. La Direction générale des finances publiques vient de déposer plainte contre trois de ses fonctionnaires, agents des impôts, en poste dans le département de Seine-Saint-Denis. Une plainte qui date du mois de février dernier, à laquelle Valeurs actuelles a eu accès, et qui fait suite à la mise en examen, fin janvier, d'un contrôleur et d'un inspecteur des finances publiques, et d'une inspectrice en disponibilité, par un juge d'instruction du pôle financier à Paris.

Ces fonctionnaires, âgés de 44, 45 et 47 ans, rattachés à la direction départementale des finances publiques (DDFIP) de Seine-Saint-Denis, sont soupçonnés de s'être livrés pendant plusieurs mois à des escroqueries concernant des remboursements de TVA à des sociétés, mais aussi d'avoir entravé des contrôles fiscaux à venir auprès de gérants des mêmes entreprises complices. Le tout en échange d'argent et de cadeaux…

Ils sont poursuivis notamment pour “corruption passive”, “complicité d'escroquerie”, “blanchiment de fraude fiscale” et “violation du secret professionnel”. Deux d'entre eux ont été placés sous contrôle judiciaire. Le troisième a été incarcéré. Sans une dénonciation anonyme, au printemps 2019, tout porte à croire qu'ils auraient pu continuer leurs malversations présumées en toute quiétude.

Après avoir été alerté, le Parquet national financier (PNF) a chargé les enquêteurs de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) de faire toute la lumière sur cette affaire. Les conversations téléphoniques des fonctionnaires suspectés, placés sur écoute, vont confirmer les premiers soupçons. Les policiers découvrent les relations entretenues avec plusieurs dirigeants de sociétés dans le secteur du bâtiment, de l'immobilier et des transports, ainsi que les précieux conseils distillés par les agents des impôts afin de leur permettre de récupérer des remboursements de crédits de TVA indus à l'aide de fausses factures.

En échange de leurs “services”, les trois fonctionnaires se voyaient rétribués

Des rendez-vous avec un “apporteur d'affaires” dans un restaurant, implanté dans un centre commercial à Sevran, sont également observés. « Ce rabatteur, qui mettait en relation les agents des impôts corrompus avec des dirigeants d'entreprise, a également été mis en examen, confie un haut fonctionnaire en poste au sein de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). Outre ces remboursements de TVA auxquels ils ne pouvaient prétendre, ces chefs d'entreprise étaient alertés sur les contrôles fiscaux à venir et étaient conseillés, par les mêmes agents des impôts, afin de les éviter en trouvant une faille dans la procédure fiscale engagée contre eux. » L'État a chiffré son préjudice à près de 2 millions d'euros pour les années 2016 et 2017.

En échange de leurs “services”, les trois fonctionnaires se voyaient rétribués en argent, en ordinateur iMac, en achats divers sur des sites de ventes aux enchères, ou touchaient un pourcentage, compris entre 5 et 10 %, sur les remboursements de crédits de TVA obtenus.

« Les investigations ont mis au jour des faits de corruption présumés, particulièrement graves, à l'encontre de ces agents des impôts, souligne une source judiciaire. Au domicile de l'un d'entre eux, la somme de 14 000 euros en espèces a été saisie ainsi que de nombreux objets en ivoire et une collection de pièces anciennes estimée entre 100 000 et 150 000 euros. L'enquête se poursuit afin d'identifier l'ensemble des protagonistes de cette affaire et son ampleur. »
  

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