lundi 19 août 2019

Seul contre tous et fier de l'être



Pendant ce temps, les six poseurs Vosgiens, solides gaillards habituellement forts en gueule et roulant leur caisse, dont je défendais le droit programmé d'approvisionnement, baissaient les yeux, faisaient mine de ne rien voir. Les autres ouvriers Français passaient au loin en tournant la tête dans l'autre sens, pour ne rien voir (Je gueulais pourtant assez fort pour qu'ils n'ignorent rien de ce qui se passait). Quant aux Arabes, ils se tenaient en groupe à une trentaine de mètres et regardaient en coin, par curiosité...

Bref, j'aurais pu être agressé et zigouillé sans que personne n'intervienne, comme d'habitude...

Je savais cela. Mais quand on est au milieu d'une meute, il faut leur montrer qu'on a pas peur d'eux. Alors, plus je gueulais, plus je m'énervais, plus j'oubliais ma peur et plus je continuais... C'est une technique que je connaissais et qu'on utilise au combat : l'auto-excitation, la colère, la haine, pour neutraliser la trouille...

Ma mission fut remplie sans défaillance.

plus tard, un des poseurs Vosgiens me dit en loucedé : "Je comprends maintenant la très grande difficulté de votre travail et je vous remercie pour votre intervention. Je ne pourrais pas être à votre place".

Et moi, magnanime et faussement superbe "Ce n'est rien, c'est mon boulot, alors je le fais". Mais je voulais leur montrer ce que c'était que d'être un vrai Français, un vrai homme, pas un trouillard qui regarde ses godasses. C'est pas les blacks qui vont faire la loi sur un chantier Français, merde !!!

Durant cette période, tous les camions sans exception étaient livrés. Efficacité : 100% !

Je suis parti une semaine en vacances ( en fait chez moi pour me reposer, car j'étais épuisé )...

Quand je suis revenu, j'ai appris que cela avait été le bordel pendant une semaine. La plupart des camions étaient repartis chargés. Les réunions de chantiers avaient été houleuses, paraît-il...

J'avais beaucoup plus de boulot. Je terminais mes journées très tard...

On ne m'avait rien demandé, la hiérarchie ne m'a même pas félicité (D'ailleurs, était-elle au courant ? Pour cafter dans mon dos ça fonctionnait, mais pour mes exploits, ça devait être silence radio, je pense). J'étais épuisé. Je risquais souvent ma peau...

Pour la gloire, comme on dit... Mais une gloire seulement personnelle : La satisfaction de soi et du travail bien fait... Pour l'honneur, comme on dit...

Pour rien, quoi... L'exploit d'un con... Qui en aurait pris plein la gueule si cela s'était mal passé...

C'est le résumé de ma vie, finalement, ce chantier... Un imbécile heureux et fier de l'être...
       

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