lundi 15 septembre 2014

La société Française, cela n’existe plus




J’ai souvent fustigé l’espèce de fracture sociale dont l’un des symptômes les plus immédiats et visibles sont cette façon de mépriser et d’ignorer l’autre, cette façon de se considérer supérieur, cette façon de rabaisser, cette façon de snober, de parader, sur le mode « j’étale ce que je suis pour monter que vous n’êtes rien », cette façon de se regrouper par tranches très étroite simplement par le niveau de revenu.
On me rétorquera que cela a toujours existé. Bien sur. Le problème est que le phénomène s’accentue de plus en plus…

Mes arguments ne valent pas démonstration, mais quand je me replonge dans mes années de jeunesse, j’ai énormément d’exemples de la différence de comportement de l’époque par rapport aux années maudites que nous vivons…

Dans les années 56-58, alors que nous avions emménagé dans une ancienne remise de calèches retapée par mon père qui était un artisan modeste avec pas beaucoup de travail, notre voisin du dessus était directeur de banque en Afrique. Il venait en vacances tous les ans avec sa famille et nous invitait souvent à déjeuner ou pour l’apéritif. Nous entretenions des relations très amicales et faisions tous bien attention de ne pas faire de tapage ou bien alors nous nous excusions et ce dans les deux sens. J’étais l’ami, presque le frère, de leur fils qui avait un an de plus que moi…

Dans les années 59 à 69 nous avions déménagé dans une autre maison. Bien que nous fûmes les plus pauvres de l’avenue (c’était une impasse de 200 mètres de long, mais avenue cela fait plus chic dans un quartier résidentiel) avec 8 maisons dont 5 étaient de vastes propriétés très cossues). Nous nous avions la maison la plus moche et mon père était toujours petit artisan avec pas toujours assez de travail…
Mon père entretenait des relations très amicales bien qu’empreintes de respect avec un voisin, vénérable commandant de la marine marchande à la retraite, très fortuné et qui n’hésitait jamais à engager la conversation et à boire l’apéritif.

Le voisin de l’autre coté possédait au Gabon une exploitation de bois rouge et revenait plusieurs fois par an voir sa femme et ses enfants. Bien que cousus d’or, ces gens nous invitaient sans cesse, un de leur fils était mon copain, un autre était l’ami de mon petit frère. Jamais nous n’eûmes de problème de voisinage, c’était l’entente cordiale…

Le voisin d’en face… Un jour en 1959 environ, mon père et quelqu’un d’autre (oncle ou grand-père) essayaient de hisser un réservoir métal pour constituer un château d’eau… Mais la force musculaire était insuffisante… Mon père avisât le jardinier en short qui taillait la haie de la grosse propriété d’en-face et lui demandât un coup de main… Celui-ci acceptât tout de go et le travail fut fait avec beaucoup d’efforts physiques et puis une bonne bière après, à la bonne franquette… Au moment de lui donner un pourboire, le jardinier refuse… C’était lui le milliardaire propriétaire de la vaste villa d’en-face !
C’était quelqu’un de très réservé, mais ce coup de main avait brisé la glace et dès lors des relations vraiment cordiales se sont établies…

Et j’ai tellement plus d’exemples encore de ce genre de modèle social de l’époque…
Cela n’existe plus aujourd’hui et ne serait plus possible.

Les gens riches ou aisés sortaient d’années de souffrance, de ces années de guerre qui ont certainement rapprochés bien des gens. Ils ont appris à apprécier l’autre sur des critères de sympathie, de valeurs humaines, comme le travail et l’honnêteté, le courage. Bien que ces années fussent l’apogée des communistes en France, c'est-à-dire de ceux qui étaient jaloux des possédants, les possédants, eux, n’avaient aucune acrimonie envers les autres et appréciaient le modèle de société émergé dans les années d’après-guerre…

Ces gens sont aujourd'hui tous disparus et leur spontanéité avec eux...

Alors que maintenant, le possédant qui vous sourit c’est le commerçant. Le propos faussement cordial du commerçant... Sur quatre couples de gérants de magasin partis ailleurs ou en retraite et revus inopinément, seul un est resté amical, les autres nous ont ignorés royalement…
Quand aux riches actuels, ils n’émettent que méfiance, dédain envers les classes 'inférieures'…

Il y a la classe des 1000 euros, la classe des 2000 euros, des 3000, etc.… Et chacun s’enferme dans ce qui est comme une caste qui ignore celle d’en-dessous…

Comment avons-nous pu en arriver là ?

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