vendredi 9 août 2013

2040, Le début de la fin

Écrit en 2007

Les sacrifiés.

Il n’est plus de bonheur, il n’est plus d’espoir. La vie les effaçait en même temps que la vie s’effaçait elle-même, dans un élan morbide d'autodestruction.
Et le bout du tunnel était toujours devant.
On les voyait arriver harassés, hirsutes, couverts de boue, sales…
Ils passaient devant nous. Les plus jeunes, trop tôt arrachés à l’enfance, avaient le regard terrifié, de ceux qui ont vu la mort en face.

A les regarder, nous éprouvions un sentiment d’angoisse grandissant.
Au loin le fracas des canons se rapprochait sournoisement, mais sûrement.

L’horizon rougeoyait et nous envoyait d’âcres fumées, teintées de l’odeur de cette mort qui venait vers nous.

Un instant nous crûmes que la guerre s’éloignait alors que le fracas s’apaisait. Mais tout n’était que répit fallacieux. Les longues cohortes des soldats étaient derrière nous. Maintenant il n’y avait qu’un espace de temps et de distance entre l’ennemi et nous.

Certains grillaient, en la savourant, leur dernière cigarette. D’autres, fébriles, remontaient le mécanisme de leur arme après l’avoir soigneusement nettoyé.

Je me penchais en arrière pour laisser couler sur ma langue, la dernière goutte de ce flacon de Cognac. Trop vite fini.

Probablement comme notre destin qui allait s’achever. Nous savions que les forces de la coalition étaient colossales. Chacun de nous comprenait que ses heures étaient comptées.

Derrière le mur, j’entends passer les hordes sauvages.
Il fait jour, il fait nuit, je ne sais pas. Une odeur âcre flotte sur la ville en flamme. Une odeur de chair calcinée et de toutes matières enflammées qui prend à la gorge et se répand sur les campagnes où les moissons brûlent, elles aussi. La fumée est si dense qu’elle obscurcit le ciel.

Combien reste-t-il d’entre nous ?
Je pense un instant à ces nuées ardentes qui effacèrent Pompéi et Saint Pierre. J’envie cette mort si rapide que des milliers d’humains avaient eu.
Nous, cela fait des mois que nous battons en retraite. Cela fait des mois que nous perdons, bataille après corps-à-corps, escarmouche après embuscade, tous les combats que nous livrons. Certes nous avons infligés de lourdes pertes aux forces de la coalition. Mais ils sont si nombreux que le rapport de force est de plus en plus en leur faveur.

Ils ont constamment des troupes fraiches, nombreuses, bien équipées, pour assurer la relève. Nos troupes sont décimées, fatiguées, démoralisées. Nous commençons à manquer de munitions. Les manufactures d’armes ont été prises par l’ennemi. Il ne reste que quelques dépôts cachés. Si un de nos hommes tombe entre leurs mains, nous tâchons de l’abattre afin qu’il ne révèle le secret de nos maigres réserves.

Ma gélule de cyanure à la main, j’attends fébrilement, alors que passent à quelques mètres de moi, des ennemis pressés d’en finir avec nous. Si je suis découvert, je sais ce qu’il me reste à faire. J’ai peur. J’ai très peur. Je regarde tout autour de moi. Il ne s’agirait pas que l’on m’attrape vivant. Je sais que je ne résisterai pas à la torture et j’ai très peur de la souffrance qu’ils pourraient m’infliger. J’ai peur de mourir aussi, mais le cyanure sera le moindre mal

Je crois que je tremble de tous mes membres, que j’ai froid, que je grelotte… En même temps, je suis trempé de sueur.
Ce mois d’Août sera mon dernier été, sera le dernier été pour moi, pour mes camarades, pour tous ceux que j’aime. Je n’aurai pas été capable de protéger ma famille…
       

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