vendredi 19 juin 2020

Les mensonges de l’affaire Adama Traoré : contre-enquête sur une instrumentalisation



Par Louis de Raguenel – Juin 2020

Si la famille d’Adama Traoré demande la justice et la vérité, alors toute la vérité doit être connue et les mensonges sur l’affaire combattus.

Première contrevérité. Adama Traoré aurait été interpellé lors d’un contrôle aléatoire, qui accréditerait un racisme supposé des gendarmes.
Le 19 juillet 2016, c’est parce que Bagui Traoré, le frère aîné d’Adama, est soupçonné d’être impliqué dans une affaire d’“extorsion de fonds au préjudice d’une personne placée sous curatelle renforcée” que le procureur commande, sous réquisition judiciaire, un “service de prévention de proximité”. Les faits sont particulièrement accablants : le 8 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise, deux hommes et deux femmes sont entrés illégalement au domicile d’un couple, dont la femme est sous curatelle. Bagui Traoré fait partie de l’équipe. Ce soir de juillet, la femme vulnérable passe la soirée avec deux amis. Bagui Traoré et ses amis « exercent de nombreuses violences sur le couple afin de se faire remettre des objets », nous explique-t-on. A cette occasion, ils dérobent une bague, un collier, 40 euros en liquide, une télévision et des vêtements.
      A la suite de cette agression sordide, à la demande de la justice, trois militaires du peloton de surveillance et d’intervention (PSIG) de la gendarmerie en civil procèdent à des contrôles d’identité de personnes citées dans la réquisition judiciaire. Au moment de contrôler Bagui, qu’ils reconnaissent grâce à des éléments de description — tâche de naissance sur la pommette gauche, cicatrice à l’avant-bras droit, cicatrice sur l’auriculaire gauche et le poignet gauche —, une personne qui est avec lui, et qu’ils n’identifient pas, lâche son vélo et court. Surpris, deux gendarmes le poursuivent pendant que le troisième reste avec Bagui, qui n’oppose aucune résistance. Rattrapé, l’homme bouscule un gendarme, avant d’être menotté à un bras. Ne disposant pas de pièce d’identité, il déclare s’appeler Adama Traoré. Contrairement à ce qui sera dit, ce n’est pas lui, mais bien Bagui qui était ciblé par la demande de la justice. Puisque le débat actuel impose d’entrer dans des considérations de couleur de peau, notons que deux des gendarmes ayant participé à l’interpellation d’Adama Traoré étaient eux-mêmes noirs.

Deuxième contrevérité. Adama Traoré a été tué à la suite d’une bavure des gendarmes, qui auraient effectué un placage ventral
Selon les informations que nous nous sommes procurées auprès de plusieurs sources, après avoir été interpellé, Adama Traoré demande aux gendarmes de faire une pause afin de reprendre son souffle. Nous sommes alors en plein été sous un soleil de plomb. Essoufflés eux-mêmes et constatant qu’Adama l’est aussi, les militaires acceptent. Mais tout à coup un ami d’Adama le reconnait et l’aide à s’enfuir une nouvelle fois, en frappant un gendarme. Adama échappe une nouvelle fois aux gendarmes et fuit en courant. Il entre alors dans le domicile d’un habitant et est rattrapé par un autre équipage de trois militaires en uniforme, alors qu’il se cache, allongé par terre, enroulé dans un drap, à coté d’un canapé. Les gendarmes se répartissent les rôles : Le premier immobilise les jambes et les deux autres s’occupent chacun d’un bras. Au cours de l’interpellation qui dure entre trente secondes et une minute, ils s’aperçoivent que l’homme a déjà une menotte attachée au bras – celle passée par le premier équipage de gendarmes.
      Menotté et essouflé, Adama se lève seul et sort debout de l’appartement, escorté par les gendarmes. A aucun moment un placage ventral (notion qui n’existe pas dans les techniques d’immobilisation de la gendarmerie) n’a éta effectué par les militaires. Le trajet en voiture jusqu’à la brigade de Persan est très court : Un kilomètre. A l’arrivée un gendarme s’étonne de voir Adama assoupi et découvre une tache d’urine sur le siège. En réalité, il a perdu connaissance. Immédiatement, les pompiers et le samu sont appelés et Adama est placé à l’ombre en position latérale de sécurité, menotté – en raison des deux tentatives précédentes de fuite – dans la cour. C’est ce que constateront deux pompiers à leur arrivée. Mais malgré les tentatives pour le ranimer, il est trop tard. C’est un drame pour tous : Adama Traoré est mort.

Troisième contrevérité. Aucune raison médicale autre que la prétendue violence des gendarmes ne peut expliquer la mort d’Adama Traoré.
Après avoir constaté la mort d’Adama Traoré dans la cour de la brigade de gendarmerie de Persan, les enquêteurs vont alors découvrir un début d’explication possible à la volonté d’Adama d’échapper aux gendarmes : Il portait sur lui 1300 euros en liquide et un sachet avec une petite quantité de cannabis.
      D’après nos informations, un rapport d’autopsie révèlera qu’Adama était sous l’emprise du Cannabis lorsqu’il est mort. Contrairement à ce qui a été dit, ce rapport l’atteste : Adama ne présente aucune trace de violence et les gendarmes ne se sont pas assis sur lui, ce qui aurait pu provoquer une asphyxie, thèse relayée par ses soutiens. Au total, Adama a passé seulement dix minutes dans les mains des gendarmes. Tous les témoins qui ont été entendus sont unanimes : Il n’y a eu aucune violence à son encontre et Adama avait du mal à respirer et ne parvenanit que difficilement à parler, selon un témoin. Ce qui ne l’a pas empêché d’essayer de s’échapper.

Une autre explication possible. Bagui Traoré le clame : « Attention, mon frère est malade ».
Quelques minutes plus tard, Bagui Traoré qui vient d’être interpellé, arrive à son tour à la brigade escorté par les gendarmes après une perquisition chez lui et voit Adama allongé par terre. Il crie : « Attention à mon frère, attention à mon frère, il est malade ! ». Il sera effectivement démontré plus tard qu’Adama – décrit publiquement en bonne santé par sa famille – souffrait en réalité d’insuffisance respiratoire et de problèmes cardiaques, ce que certains de ses proches savaient. D’où son essouflement. On annonce alors à Bagui la mort de son demi-frère. Il hurle : « Les gendarmes ont tué mon frère ! ».
      Dans une volonté d’apaisement, le procureur décide de lever sa garde à vue. Persuadé que son frère a vraiment été tué par les gendarmes, Bagui mobilise le quartier. S’ensuivront cinq nuits d’émeutes ultra-violentes où les gendarmes seront attaqués sans répit. Un bus servira de bélier dès la première soirée, pour tenter d’enfoncer la grille de la gendarmerie. Plusieurs tireurs chercheront à abattre à l’arme à feu un hélicoptère de la gendarmerie, déployé pour observer depuis les airs l’évolution des troubles.

Quatrième contrevérité. Adama Traoré était un jeune homme sans histoire.
Si la mort d’Adama est un drame et que rien ne la justifie, il faut toutefois rétablir la vérité s’agissant de son parcours. Sans profession, Adama Traoré avait 24 ans lorsqu’il est mort. Selon nos informations, il était connu des fichiers de police pour « recel, violences, violences volontaires, menaces de mort, outrage, conduite sans permis, vol à la roulotte, vol de véhicule avec violence ». Le fichier du traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) contient 17 inscriptions à son nom. Il a en outre fait deux séjours en prison : de septembre 2012 à juillet 2014, puis de décembre 2015 à mai 2016, où il a été accusé d’avoir violé son co-détenu.
      S’agissant de cette accusation de viol, nous l’avons appris le 25 février 2017, pour venger Adama de l’accusation, l’un de ses frères, Yacouba Traoré, passe à tabac avec plusieurs amis l’ancien codétenu à coup de planches et de bâtons. « Sérieusement blessé, la victime se voit attribuer provisoirement sept jours d’incapacité temporaire totale (ITT) », confiait à l’époque une source proche du dossier. A la suite de cette agression, Yacouba Traoré sera condamné à dix-huit mois de prison ferme, le 15 mars 2007.

Cinquième contrevérité. La famille Traoré et son entourage sont pacifiques.
Composé de 17 frères (les plus connus de la police sont Bagui – qui se décrit comme le « Nelson Mandela du Val d’Oise » -, Samba, dit « Paupiette » et Youssouf) et sœurs (Assa est la meneuse du comité Adama), issus des mariages de leur père polygame avec quatre femmes, le clan terrorisait la commune de Beaumont sur Oise et ses environs en 2016.
      Le 14 décembre 2016, Bagui et Youssouf Traoré sont condamnés par le tribunal de Pontoise pour avoir frappé une policière municipale pour le premier – il écope de Huit mois fermes et d’une interdiction de séjour à Beaumont-sur-Oise pendant deux ans – et pour outrage pour le second – il est condamné à six mois de prison aménageables.
      Le 28 février 2017, Bagui Traoré est extrait de sa cellule pendant que son ancienne épouse et quatre amis sont interpellés. Tous sont en garde à vue pour « tentative d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique ». En représailles à leur incarcération, quatre voitures et un bus seront incendiés. Quinze suspects seront interpellés. Yacouba Traoré apparait comme l’initiateur. Avec huit amis, il sera incarcéré.
      Le 28 juillet 2017 dans la nuit, pour l’anniversaire de la mort d’Adama, des affrontements éclatent avec les gendarmes. Tous sont des proches du clan Traoré.
      Le 12 décembre 2017, Youssouf et Bagui Traoré et trois autres personnes sont identifiées dans un trafic de drogue. A l’occasion de leur interpellation, des munitions, du cannabis et trois véhicules sont saisis.
      Le 18 avril 2018, Serene Traoré est condamné à quatre mois de prison ferme et 600 euros d’amende pour outrage contre la mairie de Beaumont sur Oise.
      Jugé le 25 avril 2018 avec son ancienne compagne Sarah B. pour le cambriolage avec violence, commis le 8 juillet 2016 contre une personne sous curatelle, Bagui Traoré est condamné à trente mois de prison ferme et son ancienne compagne à vingt-quatre mois, dont six avec sursis.
      Le 17 mai 2018, Samba Traoré frappe « violemment » un jeune homme à la tête, après une bataille entre leurs chiens. Nous l’avions appris à cette époque : la victime s’est vu attribuer quarante-cinq jours d’ITT et risquait de conserver des séquelles à vie. Pour ces faits, le tribunal de Pontoise a condamné Samba à quatre ans de prison dont dix-huit avec sursis et mise à l’épreuve. A noter aussi, la présence de plusieurs salafistes dans l’entourage proche d’Assa Traoré, la sœur charismatique et meneuse du comité Adama.
  

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