vendredi 21 juin 2019

Laïcité et foi républicaine (3)


Écrit par Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, publié dans « Pathologies de la démocratie » en 2005, réédité en 2009.

" Si jadis, comme l’a souligné Célestin Bouglé, bourgeois et nobles ont coexisté difficilement (mais pacifiquement) et travaillé à l’élaboration d’une «  unification nationale », si jadis encore, les villes ont été ces lieux de « démultiplication du lien social », grâce aux contacts sociaux, qu’elles favorisaient, force est de constater qu’il n’en est plus de même à l’heure actuelle.
De nouveau, les sociétés démocratiques adultes se fragmentent et l’antique phénomène de tribalisation fait retour sous une forme actualisée de « communautarisme » (susceptible de se décliner en corporatisme et sécessionnisme de toutes sortes).

Sans regretter que le principe de diversité régisse les sociétés modernes, car la promotion des communautés est un des piliers de la démocratie, il s’agit de dénoncer, la tentation qu’ont ces communautés de se transformer en mouvements communautaristes et identitaires.
Pour preuve, le symptôme de cette altération : l’invasion du sanctuaire de la république par le port des signes de propagande religieuses, politique et commerciale

« Les sectes », écrit Régis Debray, « ont remplacé les ligues, mais les passions religieuses ne sont pas si différentes des passions politiques. La répression de l’agitation politique parmi les élèves, n’avait en tout cas d’autre principe que celle de l’agitation identitaire actuelle.
Le port du voile peut être tenu pour un acte militant, avec une dimension de propagande missionnaire, doublée de discrimination sexuelle, par nature sexuelle, par nature susceptible de provoquer des manifestations et réactions de signe contraire.
La Kippa, peut appeler le keffieh, le croissant peut provoquer la croix, comme le point tendu appelait hier la main tendue ».

A regarder de près une cour ou une classe d’école, on a vite fait de comprendre que les velléités d’unification sociale, si typiques des démocraties modernes, ont volé en éclats.

« Il y avait », poursuit Régis Debray, « en un certain sens plus de laïcité dans les collèges jésuites d’antan, avec leurs obligations disciplinaires et la mises en veilleuse du dehors, qu’il n’y en a dans nos collèges en forme de terrains vagues où le brouhaha empêche toute concentration des esprits.
Il y a plus de laïcités dans les maigrichonnes écoles d’Amérique Latine, où l’uniforme est de rigueur (chacun le sien), que dans nos opulents établissements, où s’arborent des T-shirts en cartes d’identité.
Les stéréotypes de la communication sont aujourd’hui bien plus menaçants pour la liberté de conscience, que les dogmes des clergés… L’école est ainsi devenue le haut lieu des tribus, qu’elles soient religieuses, ethniques, économiques… »

Si l’on s’attarde ici à évoquer la laïcité (et notamment la laïcité scolaire), c’est parce qu’elle est précisément, l’un des plus surs remparts contre les phénomènes de communautarisme et de tribalisation. "

NDLR (zalandeau) : Les philosophes (dont Régis Debray qui était quand même marqué à gauche), se sont aperçus de cette dérive identitaire de notre société… Mais ils ne proposent pas de mode d’emploi, pour rétablir une vraie laïcité dans notre pays. Constater, c’est une chose, porter remède, en est une autre. C’est donc aux hommes politiques de mettre en place des règles contraignantes, afin de stopper ce cancer qui ronge la démocratie.

De timides tentatives de législation (interdiction du port du voile) ont été tentées, mais elles ne sont pas appliquées. Aucune sanction, aucune autorité pour faire appliquer la loi. La peur et le laxisme laissent la gangrène s’étendre dans un climat de permissivité coupable !
 

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