samedi 14 septembre 2013

11 et 12 mai 1940



Le 11 mai nous essuyons des tirs isolés. Nous répondons à chaque fois. Mais nous entendons le bruit de la guerre vers le sud et l’est. D’âpres combats se déroulent, comme en témoignent les épaisses volutes de fumées et ce bruit de fond qui approche.

Nous recevons des munitions dont on nous dit qu’elles seront les dernières.

La nuit du 11 est comme celle du 10, vécue dans la fébrilité. Le lieutenant organise des groupes d’explorations de nuit, afin de déceler les éventuels mouvements ennemis.

Le matin du 12, nous n’avons guère le temps de réfléchir. Des combats violents s’engagent à quelques kilomètres de notre aile sud. Nous voyons l’aviation ennemie piquer vers les positions des unités concernées. Nous essuyons alors un violent tir d’artillerie.

Comme le 10, nous subissons des pertes. Le spectacle est horrible, mais ne nous terrifie plus.

Nous sommes endurcis par toute cette horreur.

Quand le pilonnage cesse, nous sommes tous à nos postes, prêt au combat.

Les uniformes vert de gris arrivent en courant vers nous. Plusieurs vagues montent à l’assaut de nos positions.

Je donne les mêmes ordres qu’avant-hier. Tout le monde est prêt.
Je regarde ces hommes qui viennent vers nous, avec des équipements légers, en bras de chemise, chaussés de bottes, avec des mitraillettes et des grenades.

Je pense à ce moment que nous sommes vraiment en retard d’une guerre, avec nos capotes et nos bandes molletières, avec nos équipements très lourds et nos armes d’un autre âge…

Ils avancent rapidement vers nous en tirant des rafales. Pour éviter les balles, mes hommes sont baissés, certains, pour toujours.
C’est au moment où je commence à apercevoir leurs boutons et leurs boucles de ceinturon, que je donne l’ordre de feu.

Je recommence comme avant-hier, avec Lucien, cette fois, pour approvisionner les bandes.
J’ai l’impression de faire la moisson. A travers le fracas des armes, j’entends des cris près de moi. Je sais que certains de mes hommes sont blessés. Je sais que d’autres doivent être morts.

Je n’ai pas le temps de regarder. J’encourage seulement de la voix.
La troisième vague arrive et dépasse la deuxième, malgré l’intensité de notre riposte.
C’est à la grenade que nous terminons le travail encore une fois. La troisième vague se replie ainsi que les rescapés des deux vagues d’assaut précédentes, pendant que je fais cesser le feu.

Nous avons des pertes. Je fais le compte et le fais porter au lieutenant. Les infirmiers sont débordés.

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