Le petit matin me réveille par
ses doux chants d'oiseaux.
Je mange ma dernière provision,
puis je pars. A travers champs, à travers bois, il fait beau, en cet été de fin
du monde. Je marche et pour rythmer mes pas je me mets à chanter...
L'écho de ma voix me revient par
les montagnes répété. Je n'ai plus que trois ou même deux jours de marche pour
retrouver ceux que j'aime.
Femme aimée, enfants chéris,
pourvu que l'hydre ne vous ait pas atteint.
Pourvu que je puisse mourir avec
vous, c'est mon dernier vœu. Vous revoir s’il en est encore temps. Me dépêcher,
oui presser le pas…
Le nord de la France est anéanti.
Anéantis toux ceux que j’aimais et aussi tous ces idiots qui pensaient pouvoir
négocier leur misérable vie avec un ennemi implacable…
Je n’ai plus de pitié. Je ne sais
plus ce que c’est. Je me dis que les obséquieux, les collabos se sont fait
massacrer et que c’est bien fait pour eux. Qu’ils aillent rôtir en enfer !
La pitié ? Oui, sûrement,
pour les innocents qui ont payé de leur vie l’incapacité de nos dirigeants qui
ont fui leurs responsabilité et sont partis se réfugier en Amérique. La mort du
vieux continent ne les regarde plus. Mais s’ils avaient été clairvoyants ils
nous auraient évité notre triste destin.
J’ai emmené ma femme de Maubeuge
à Moissac Vallée Française, avant de monter au front en Russie. Et mon rêve
depuis un an, qui me soutient contre toutes les adversités, c’est de les revoir tous.
Maubeuge est rasée, il n’en reste rien.
Je me demande combien de
centaines de millions de morts nous avons eu.
Je pense aussi, toujours en
marchant, l’œil aux aguets, que les Chinois ont subi des pertes, qu’ils sont
dispersés, pour occuper et massacrer les territoire conquis, que leur lignes de
ravitaillement sont très étirées et mobilisent beaucoup de leur effectif. Il
n’y a peut-être plus que trente ou quarante millions de soldats ennemis qui
nous encerclent…
Si les Américains pouvaient nous
aider comme pendant les deux premières guerres mondiales, tout ne serait pas
encore perdu…
Les toits en schiste d’un hameau
au fond de la vallée apparaissent au loin dans la brume matinale…
Je contourne le village. Déjà
fatigué de ma marche matinale, je cherche un abri dans des fourrés.
Je me couche et m’endors…
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