dimanche 24 novembre 2013

2040, Tout ça pour rien...



J’entends les oiseaux, je sens la fraîcheur… J’ouvre les yeux. Je vois le ciel….
J’éprouve du mal à me redresser. J’ai mal partout en fait…
Je suis sur la petite corniche. J’ai du y passer la nuit. Je ne me souviens pas m’y être endormi.

Je tente de me relever, avec beaucoup de peine. J’ai des douleurs partout…

Que se passe-t-il ? Je me tiens péniblement à la paroi rocheuse. Je regarde ma main. Elle est toute ridée. L’autre aussi. Bon sang ! Je parviens à m’adosser à la falaise. Je soulève ma manche gauche, avec difficulté… La peau de mon bras pend et est flasque et tachetée comme celle d'un vieux.

La jauge de mon JE45 est à zéro ! A zéro ! A zéro !

J’ai eu l’injection d’hormone d’ HBJ, quand, déjà ? C’est si loin… J’étais entre Dresde et Berlin dans la 3ème division AAA (d’assaut aéroportée par aéronef).
Je ne me souviens plus. Je me baisse, des douleurs plein les articulations. Je sors d’une pochette, mon carnet, que je feuillette frénétiquement. J’ai du mal à lire…

Oui, c’est ça… C’était le 8 juin… Et nous sommes fin août. J’ai dépassé la date…
Il fallait renouveler le traitement au bout de deux mois, comme je le fais depuis des années et je n’y ai pas pensé…
Trop de combat, trop de lutte pour survivre… Et maintenant, je vais vieillir à toute vitesse et de manière irréversible.
 J'essaye de soulever mon harnachement. Je n’y arrive pas, il est devenu trop lourd… Mon MiniMI lui aussi est par trop pesant…
Je devrais me passer de l’un et de l’autre. Il faut que je parvienne à gravir les quelques mètres jusqu’au plateau. Aurais-je la force même sans fardeau à porter ?

J’entreprends l’escalade. Chaque mouvement d’ampleur trop importante provoque des douleurs dans mes articulations.
Avec beaucoup de mal, de gémissements de douleur, je parviens dans un ultime effort à rejoindre le plateau…
Les bras affalés sur le bord, je reprends mon souffle avant de me rétablir sur le sol.
Je vois sous mon nez, des mégots de cigarettes de marques différentes et qui dégagent encore une odeur de tabac froid…
Ainsi, ils sont venus jusqu’ici… Heureusement, ils ne m’ont pas repéré dans mon sommeil !

Je me hisse enfin sur le plateau.  Je me mets debout avec difficulté. Je suis voûté. J’ai les mains qui tremblent. Merde ! Mais pourquoi n’ai-je pas pensé à mon traitement ?
Je me mets en chemin en claudiquant et je ne vais guère très vite.
Il me restait une journée de marche pour retrouver les miens. A cette allure, je n’y parviendrai jamais…

Le trajet est long. Je ne m’embarrasse plus à essayer de me cacher. J’emprunte les routes, au risque d’être mitraillé par les aéronefs ennemis.
Je n’ai plus grand-chose à perdre…. Je tremble de plus en plus… Mon allure diminue… 
 J’aurais du rester me battre jusqu’au bout avec les autres. Ma mort aurait servi à quelque chose. Alors que là, je vais perdre la vie pour rien.
Je voulais revoir ceux que j’aime, mais je n’y parviendrai pas…

Des grondements de turbines se font entendre. Je vois des avions dans le ciel. Ce ne sont pas des Chinois. Ils arborent l’étoile à cinq branches. Ce sont des avions de transport de l’U.S. Air Force.
Ils plongent dans la vallée qui s’étend à présent devant moi.
Des centaines et des centaines de corolles s’ouvrent retenant chacune un container.

Les Américains viennent à notre secours.
Je vois un panneau indicateur et je m’approche pour le lire … Sainte-Croix, Moissac et Saint Etienne Vallée Française.
La Vallée Française est à mes pieds. Trente kilomètres pour Moissac…

Je m’accroche au panneau. Mes jambes se dérobent… Je regarde devant moi, les corolles continuent de descendre vers le fond le la vallée. Je crie « Vive les Américains ».
Qui a dit ça ? J’ai entendu une voix chevrotante qui disait « Vive les Américains ». Une voix de vieillard… C’est ma voix…
Je n’arrive plus à m’accrocher au panneau et je me laisse glisser au sol sur l’herbe près de la route…

Je suis allongé. Il fait froid… Je regarde le ciel. D’autres avions passent et d’autres corolles s’ouvrent. C’est joli, toutes ces fleurs dans le ciel…

Je ne sais pas si mes enfants jouent aux petites voitures dehors. Il faudrait que je les appelle pour venir voir les jolies fleurs…

Je ne les vois plus, les jolies fleurs. Je ne vois plus rien…

C’était beau…C’était beau… C’était…

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