J’avais dix ans en 1960. Mes
parents m’avaient envoyé à Paris, par le train, pour un mois de vacances chez
mes grands parents. Il n’y avait pas de TGV à l'époque. C’était ces
wagons à compartiments, dont le bruit régulier des roues sur les jonctions de
rails endormait comme une berceuse, accompagné par la mélodie des croisements,
des aiguillages et des tunnels…
Le compartiment était plein. Une sœur en cornette
lisait son missel en face de moi.
Je dormais entre chaque gare, terrassé par cette
lancinante berceuse. A chaque arrêt, je me réveillais et demandais si on était
arrivé, toujours inquiet d’avoir dépassé ma destination. La réponse des grandes
personnes était toujours négative. J’ignorais que Paris était le terminus et
que je ne pouvais pas le manquer.
Cependant, aux alentours de midi, une odeur de pain
frais, de charcuterie et autres camemberts bien faits, vint flatter mes narines
et me réveilla.
Tous les passagers étaient affairés à manger avec leur
serviette, leur couteau, tout un tas de bonnes choses, à part deux qui avaient
du aller au wagon restaurant…
La sœur en face de moi s’appliquait à manger lentement
un petit sandwich de 15 cm
de longueur…
Affamé, je me ruais sur mon sac de voyage et je
dévorais les deux gros sandwichs que ma maman m’avait préparés.
Tout le monde avait fini de manger depuis longtemps,
les deux voyageurs manquants étaient revenus, mais la sœur continuait
inlassablement à déglutir doucement son sandwich… De la voir et de sentir
l’odeur, me redonnait faim…
J'allai donc dans le couloir et y restais, guettant le moment où elle aurait fini avant de
revenir m’asseoir à ma place…
D’annonce de départ en sommeil, de sommeil en annonce
d’arrivée, je finis par arriver à Paris gare de Lyon…
Mes grands parents étaient là pour m’attendre, vêtus
sur leur trente et un. Les effusions furent réelles et partagées…
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