vendredi 25 novembre 2016

Retour vers hier ou un dimanche comme les autres



 Mai 2010 :

Ce matin, vers huit heure trente, je te regardais dormir. Tu ne dormais pas. J’ai posé la main sur ton épaule. Tu t’es retournée vers moi. Tu as ouvert les yeux. Je te souriais…
Tu m’as regardé, les yeux fixes, l’air sévère. Je t’ai dit « je t’aime ». Tu n’as rien répondu. Tu m’as tourné le dos…

J’ai du perdre mon sourire… Et j’ai pensé à nous, au temps où tu me souriais, au temps, où je pensais que tu m’aimais, au temps heureux où la tendresse régnait dans notre petite couvée…

Puis, toujours fixant ta nuque, j’ai revu le film d’hier, jour de ton anniversaire…

Je t’avais souhaité ton anniversaire, tu n’avais pas moufté. J’avais embrassé tes lèvres, qui n’avaient pas bougé d’un millimètre. Ton visage était resté impassible. Puis tu étais allée discuter avec la voisine. Je suis allé en ville chercher ma commande chez le papetier. Quand je suis revenu, tu étais partie avec ta mère chez l’une de tes sœurs…

Avec les enfants, nous avons rédigé les cartes d’anniversaires et t’avons attendue…

Tu es arrivée tard… Les quatorze heures devaient être sonnées… Tu as lu, tu as embrassé tes fils. Puis, je me suis approché à mon tour. Tu as critiqué le dessin sur la carte (un poussin), que j’avais fait pour toi… Mon envie de t’embrasser a disparu et j’ai regretté d’avoir écrit tous ces mots d’amour, qui ne t’ont même pas émue…

Tu as soufflé tes bougies que j’avais disposées en ordre inversé, annonçant « 45 » printemps… Tu l’as remarqué mais aucun sourire, puisque tu as trouvé cela grotesque…
J’ai voulu faire des photos de toi avec les enfants. Tu as énergiquement refusé, comme d’habitude… Cela fait des années que tu réagis ainsi, des années qu’il n’y a plus de photo de toi…
Si nous avions le malheur que tu partes avant moi, nous n’aurions pas de souvenir de toi depuis déjà une dizaine d’années, comme si tu n’existais pas, comme si tu ne voulais pas exister…

Mais, les femmes sont très solides dans ta famille. Vous devenez folles mais vous mourrez vieilles. Et je sais, sauf accident, que mes maux auront raison de moi bien avant ton départ… Nos enfants n’auront pas de photos de leurs parents ensemble. En souffriront-ils ?…

Tu as abrégé très vite ce moment qui était plus pénible pour moi que heureux, pour aller voir ta sœur que tu as trimballée à droite et à gauche au prétexte que ton beau-frère n’a jamais le temps de le faire…

Tu es revenue vers vingt-deux heures trente, penaude, t’attendant à des réprimandes de ma part… Je ne t’en ai pas fait.
Alors tu m’as reproché de ne pas être inquiet, de ne pas être jaloux. Je t’ai répondu que j’avais confiance ! Tu m’as fait la gueule… Tu as regardé la télé dans la chambre de ta mère.

Tes épaules me sont apparues étrangères, hostiles… Je me suis retourné et je me suis dit que la meilleure chose était que je me rendorme… Je me suis concentré sur ma respiration… Et je me suis endormi…

Je me suis réveillé entre midi et treize heures seul, tranquille et je me suis dit que j’allais écrire tout cela…

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