Mai 2010 :
Ce
matin, vers huit heure trente, je te regardais dormir. Tu ne dormais pas. J’ai
posé la main sur ton épaule. Tu t’es retournée vers moi. Tu as ouvert les yeux.
Je te souriais…
Tu
m’as regardé, les yeux fixes, l’air sévère. Je t’ai dit « je
t’aime ». Tu n’as rien répondu. Tu m’as tourné le dos…
J’ai
du perdre mon sourire… Et j’ai pensé à nous, au temps où tu me souriais, au
temps, où je pensais que tu m’aimais, au temps heureux où la tendresse régnait
dans notre petite couvée…
Puis,
toujours fixant ta nuque, j’ai revu le film d’hier, jour de ton anniversaire…
Je
t’avais souhaité ton anniversaire, tu n’avais pas moufté. J’avais embrassé tes
lèvres, qui n’avaient pas bougé d’un millimètre. Ton visage était resté
impassible. Puis tu étais allée discuter avec la voisine. Je suis allé en ville
chercher ma commande chez le papetier. Quand je suis revenu, tu étais partie
avec ta mère chez l’une de tes sœurs…
Avec
les enfants, nous avons rédigé les cartes d’anniversaires et t’avons attendue…
Tu
es arrivée tard… Les quatorze heures devaient être sonnées… Tu as lu, tu as
embrassé tes fils. Puis, je me suis approché à mon tour. Tu as critiqué le
dessin sur la carte (un poussin), que j’avais fait pour toi… Mon envie de
t’embrasser a disparu et j’ai regretté d’avoir écrit tous ces mots d’amour, qui
ne t’ont même pas émue…
Tu
as soufflé tes bougies que j’avais disposées en ordre inversé, annonçant
« 45 » printemps… Tu l’as remarqué mais aucun sourire, puisque tu as
trouvé cela grotesque…
J’ai
voulu faire des photos de toi avec les enfants. Tu as énergiquement refusé,
comme d’habitude… Cela fait des années que tu réagis ainsi, des années qu’il
n’y a plus de photo de toi…
Si
nous avions le malheur que tu partes avant moi, nous n’aurions pas de souvenir
de toi depuis déjà une dizaine d’années, comme si tu n’existais pas, comme si
tu ne voulais pas exister…
Mais,
les femmes sont très solides dans ta famille. Vous devenez folles mais vous
mourrez vieilles. Et je sais, sauf accident, que mes maux auront raison de moi bien
avant ton départ… Nos enfants n’auront pas de photos de leurs parents ensemble.
En souffriront-ils ?…
Tu
as abrégé très vite ce moment qui était plus pénible pour moi que heureux, pour
aller voir ta sœur que tu as trimballée à droite et à gauche au prétexte que
ton beau-frère n’a jamais le temps de le faire…
Tu
es revenue vers vingt-deux heures trente, penaude, t’attendant à des
réprimandes de ma part… Je ne t’en ai pas fait.
Alors
tu m’as reproché de ne pas être inquiet, de ne pas être jaloux. Je t’ai répondu
que j’avais confiance ! Tu m’as fait la gueule… Tu as regardé la télé dans
la chambre de ta mère.
Tes
épaules me sont apparues étrangères, hostiles… Je me suis retourné et je me
suis dit que la meilleure chose était que je me rendorme… Je me suis concentré
sur ma respiration… Et je me suis endormi…
Je
me suis réveillé entre midi et treize heures seul, tranquille et je me suis dit
que j’allais écrire tout cela…
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