Et
aussi j’avais… alors j’économisais des sous, mes dix ronds, au moins, de madame
Rouland.
Tous
les ans, je m’rappelle, à la fête du, dans l’bourg, quoi… J’m’achetais un
wagon. Un wagon des p’tits trains… La locomotive, j’pouvais pas l’acheter,
j’avais pas assez d’argent, ça coûtait trop cher !
Parce
qu’avec mon argent, fallait que j’me paye des sabots. Parce que ma nourrice,
elle avait l’droit d’m’en payer une paire par an… mais il m’en fallait deux
paires.
Alors,
la deuxième paire j’me la payais parce que l’hospice me donnait… l’hospice me
donnait que du tissus pour faire mes culottes et mes chemises, enfin et pis mes
sarraux…
Et
les sabots, fallait que… Parce qu’on avait droit à une paire de
« Trélots », qu’on appelait ça : Des chaussures à semelles en
bois et pis… une paire de sabots. Et pis j’avais quand même une paire de
chaussures pour le dimanche, pour aller à la messe, pour être propre. Et un
petit costume marin, tous les ans, quoi ! Chez elle, j’pouvais mettre mes habits
neufs quand j’voulais… Mais, mon vieux, après les vêpres, fallait les enlever,
hein ! Pour les tenir propres ! Et puis remettre le sarrau qu’était
sale de la semaine passée. Et le lundi matin, on partait avec un sarrau tout
propre !
Hé
oui, voilà ! C’était ça la vie de campagne… Hein ! Et puis après
j’suis parti travailler, comme j’ai dit, avec mon frère Jean, dans la ferme…
Chez Monsieur Homet, hein !
Et
après, plus grand j’suis parti… Je voulais être coiffeur ! Y’avait pas
d’boulot à Coutances et nulle part.. ; Fallait payer le patron, pour qu’il
nous apprenne notre métier !
Et
j’me suis décidé d’partir pour Paris. Et puis ainsi de suite ! Enfin tout
ça, c’est, c’est autre chose, hein !
J’ai
aussi oublié de vous dire que, à l’école, mon vieux, hein, y’a eu deux maitres.
J’ai
eu deux maîtres. Le premier, quand je suis arrivé en France, il s’appelait
Monsieur Le Hérissey… C’était un très, très gentil… Monsieur. Il… Comprenait
c’que c’était que des enfants sans… qui n’avaient pas de famille, tout
ça ! Non, non, non, il était vraiment très gentil… Mais il est parti à la
retraite.
Après
il est venu un autre Monsieur, un autre instituteur qui s’appelait Monsieur
Fromage… Fromage, et… Alors lui, qu’est-ce qu’il m’a mis sur la gueule !
Parce
que, j’étais son souffre-douleur, hein ! Il buvait, il se saoulait la
gueule ! Parce que sa femme, y’avait une histoire, une histoire entre lui
et sa femme, enfin, bref !
Et
bien c’est toujours moi qui prenais. Il buvait, il était à moitié rond tous les
jours…
Qu’est-ce
qu’il m’a mis comme trempes, à coups de galoches dans les reins,
dis-donc ! Il m’soulevait par les oreilles de terre !
Y’m’foutait
au coin ! Il fallait que j’aille sarcler son jardin. Y’m’punissait tous
les jeudis, pour qu’j’aille travailler chez lui… faire son ménage, faire…
nettoyer ses poules et ses cages à poules, ses chiottes et tout… cirer ses
galoches, ses sabots, les chaussures d’sa femme. Enfin bref, faire toutes les
corvées.
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