Écrit le 27 décembre 2009.
Le
lendemain, la famille était rassemblée autour du lit, dans la chambre 26 de
l’hôpital.
Il
y avait la mère dans sa chaise roulante, qui regardait le sol et semblait
n’exprimer aucun sentiment, le fils ainé, la fille et la petite fille…
Seul
manquait le plus jeune des fils, qui était sur l’autoroute blanche de la neige tombant
à gros flocons…
La
fille s’approcha de sa mère par derrière et se mit à l’accuser de ce qui
arrivait, à la culpabiliser de ne pas pleurer et elle se mit à secouer le
fauteuil roulant en scandant ses mots qui devenaient bientôt des cris de haine…
Le
fils qui s’était contenté, avec l’aide de sa nièce, d’essayer de lui dire de se
calmer et de respecter la solennité de l’instant, attrapa sa sœur et lui envoya
une paire de gifles magistrales…
Sa
sœur continua un moment ses vomissements de haine mais sans toutefois secouer
la mère qui s’était mise à pleurer…
Puis
le silence revint peu à peu… Chacun parlait en chuchotant devant l’homme qui
respirait faiblement, les yeux fermés et la bouche ouverte… Chacune de ses
inspirations de plus en plus faibles était ponctuée de graillonnements…
Le
médecin de garde expliqua que l’eau avait envahi les poumons…
Soudain,
il y eut un moment comme magique, comme surnaturel… Ils se regardèrent tous les
uns les autres, sans comprendre ce qui se passait. Un peu comme si la tristesse
avait disparu, comme s’ils étaient ailleurs, dans un autre contexte, sans mort
qui plane, dans la vraie vie…
Puis,
après ce bref instant, ils revinrent à eux, ils scrutèrent leur mari, leur
père, leur grand-père…
L’ainé
soudain, pointa son index tremblant : « Il ne respire plus ! ».
Sa
cadette tenta de capter le souffle, puis de prendre le pouls, en vain.
« Papa
est mort ». Il était 20h17. C'était le lundi 21 février 2005…
Il
alla prévenir les infirmières, puis revint. Il lui semblait que ses jambes ne
le portaient plus…
Il
s’était pourtant préparé depuis longtemps à cette échéance fatale. Il ne
comprenait pas pourquoi cela faisait pourtant si mal…
Tous
pleuraient à chaudes larmes, sauf la mère qui était triste, mais sans larme et
contemplait le sol, résignée sur 58 ans de vie commune qui s’achevaient…
Son
téléphone vibra, il le sortit de la poche et répondit. C’était son frère, qui
lui déclara glisser sur la neige de l’autoroute et lui demanda comment leur
père allait…
Il
fit un énorme effort sur lui-même pour maitriser le ton de sa voix et lui
répondit que tout allait bien, de ne pas se presser, de rouler en toute
sécurité…
Il
raccrocha en espérant que son petit-frère lui pardonnerait ce mensonge…
Sa
sœur enleva l’alliance du père mort et la donna à leur mère. La mère insista pour
la donner au fils ainé…
Il
la porte toujours, depuis ce si triste soir…
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