J’ai
souvent écrit que la vieillesse était un naufrage. Cela est vrai, mais pour
autant il convient d’expliquer pourquoi.
Bien
entendu, chacun pense aux dégradations physiques que le temps provoque chez
l’être humain. Mais cela implique que la diminution de notre force, de notre
mobilité diminue notre capacité à bricoler, à soulever des charges, à assurer
le quotidien de nos tâches ménagères, à grimper sur une échelle, sur un
escabeau, puis sur un tabouret, à monter un escalier, à passer de la position
assise à la position debout, à nous lever de notre lit...
Pense-t-on
aux dégâts de l’âge sur notre libido, sur notre mémoire, sur notre jugement,
sur notre compréhension, sur nos réflexes, sur notre capacité à nous défendre contre des
agresseurs, ou même contre des escrocs, dont nous ne savons plus
déjouer les pièges ?
Et
notre caractère ? Untel qui avait du courage, progressivement n’en a plus. Nous
rejoignons le club des victimes apeurées. Untel qui portait secours
aux autres devient celui à qui il faudrait porter secours…
Quant aux dégâts sur notre moral, dans tous les cas où nous pouvons mesurer l’étendu du désastre, c'est à dire si nous parvenons encore à être conscients de ces dégradations
progressives, ils sont considérables : dépression, mal-être, honte et repli sur soi-même.
Dans
le passé, les patriarches avaient la consolation d’être des sages respectés que l’on
sollicitait. De nos jours, il n’y a plus de patriarcat. Les vieux n’ont plus
seulement soixante ans et de l’expérience inemployée, mais quatre-vingt ans et
la tête en vrac.
Il vaut peut-être mieux mourir en pleine santé, « mourir de mon
vivant », comme disait Coluche, avant que l'inutilité sociale nous marginalise.
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