24 mai 2020 : Michel Onfray réagit
aux attaques contre Front populaire parues cette semaine dans Le Monde et
Libération.
Des
amis bien intentionnés me signalent avec gourmandise un papier ordurier du
Monde concernant la sortie de notre revue Front Populaire. J’avais signalé
autour de moi que ce genre de follicule paraitrait et dit ce qu’on y lirait:
pas la peine de relire ce qu’on sait devoir déjà s’y trouver – Vichy, Pétain,
Doriot, Déat, Hitler, Mein Kampf, Valois, les Rouge-Bruns, l’antisémitisme, la
rhétorique est éculée, elle ne fait plus illusion que chez ceux qui ont renoncé
à penser par eux-mêmes. Vous me direz, ça commence à faire du monde, et vous
n’aurez pas tort…
Il
n’est même pas surprenant que ce journal confirme ce que je dis depuis des
années: dès qu’on ne pense pas comme eux, ils sortent les panzers et le camp
d’extermination, la Shoah et la chambre à gaz, le zyklon B et la Luftwaffe!
Quel
talent pour faire avancer la cause des négationnistes, car, si ce que propose
Front populaire, c’est, en douce, la Solution finale, alors la Solution finale
c’était bien peu de chose! Mais si la Solution finale était l’un des sommets
dans le Mal, alors que faut-il penser d’une revue d’amis libres, nullement soutenue
par un groupe, une banque, un réseau, un parti, une combine, qui se propose
tout simplement de penser le souverainisme et de penser en souverainiste?
Qu’elle doit figurer à coté de Mein Kampf dans les bibliothèques? Quel être
sain d’esprit peut-il penser une pareille chose?
Il
faut bien que la frousse associée à notre entrée en fanfare (merci les
abonnés!) anime ces piètres penseurs pour renoncer à tout débat et lui préférer
l’insulte la plus éculée, celle qui, de plus, exige le moins de cerveau possible.
Depuis
des années, question d’hygiène, articles ou livres, je ne lis rien de ce qui
est publié sur moi; je n’ai pas lu ce texte et ne le lirai pas; je n’y
répondrai donc pas factuellement puisque j’ai pour ligne de conduite de ne pas
le faire – sauf cas exceptionnels , quand j’estime le contradicteur. Ce serait
sinon pour moi un travail à plein temps…
Je
voudrais juste dire qu’être insulté par Le Monde sous la signature d’un certain
Abel Mestre est une plume que j’ajoute volontiers à mon chapeau.
Je
m’explique sur ce journal dit de référence:
Le
journal Le Monde a été créé en 1944 par Hubert Beuve-Méry qui venait de
l’extrême-droite: Camelots du Roi, faisceau de Georges Valois, le premier parti
fasciste français, directeur des études à l’école d’Uriage qui formait les
cadres de Vichy. Cet homme écrit dans Esprit, en 1941: «Il faut à la révolution
un chef, des cadres, des troupes, une foi, ou un mythe. La Révolution nationale
a son chef et, grâce à lui, les grandes lignes de sa doctrine. Mais elle cherche
ses cadres.» Il s’évertuera à les lui trouver… En janvier 1943, après que
Stalingrad eut scellé le sort de la guerre en faveur des antinazis, Uriage
entre dans la Résistance sans pour autant renoncer à ses idées. Quand le
général de Gaulle écrivait à Beuve-Méry: «Vous n’êtes pas des miens», il savait
de quoi il parlait… Lors du référendum de 1969, le directeur du Monde soutient
le «non» au général de Gaulle qu’il contribue ainsi à évincer.
On
ne s’étonnera pas que Beuve-Méry ait préféré Jean Monnet et son Europe
populicide et liberticide à l’Europe des peuples et des nations du général de
Gaulle. On lira avec intérêt le livre de l’universitaire Antonin Cohen intitulé
De Vichy à la communauté européenne paru aux Presses universitaires de France.
On y apprendra, entre autres choses bien intéressantes, le rôle tenu par Le
Monde dans la fabrication de la fiction d’un Jean Monnet père de l’Europe alors
qu’il était financé par les États-Unis pour construire cette Europe destinée à
abolir les nations afin de réaliser un grand marché post-national; le recyclage
de nombre d’anciens d’Uriage dans ce projet européen; la naissance de
l’expression «communauté européenne» dans les cercles d’Uriage; la dilection
particulière d’André Fontaine, journaliste au Monde en 1947, puis directeur de
la rédaction de celui-ci de 1969 à 1985, pour un certain Benito Mussolini. Et
puis cette information qui ne manque pas d’intérêt: Walter Hallstein, le
premier président de la commission européenne entre 1958-1967, a été professeur
de droit, instructeur des soldats nazis. Il a adhéré à l’Association
national-socialiste des enseignants, à l’Association des juristes
nationaux-socialistes, à l’Association allemande national-socialiste des
maîtres de conférence et à l’Association national-socialiste de protection des
civils face aux raids aériens - il a donc porté l’uniforme d’officier du III°
Reich. Dans l’Europe de Jean Monnet, on n’est pas regardant sur le passé de ses
acteurs… Un ancien nazi a donc dirigé pendant près de dix ans la Commission
européenne. Trouverait-on un seul papier du Monde pour s’en indigner et, selon
leur façon de ne pas raisonner, condamner de ce fait en bloc toute l’Europe de
Maastricht?
Ce
journal défend également la pédophilie. Le 26 janvier 1977 pour être précis, il
accueille en effet une pétition pour soutenir trois pédophiles ayant abusé de
trois victimes dont la plus jeune à treize ans. Il publiera ensuite une autre
pétition pour dépénaliser le crime pédophilique. Le Monde publie la liste des
signataires – tous les intellectuels de gauche s’y trouvent ou presque: Aragon,
Sartre & Beauvoir, Barthes, Glucksmann, Deleuze & Guattari, Châtelet,
Sollers, Henric, et mais aussi Jack Lang, Bernard Kouchner, etc. Le texte de
cette pétition a été écrit par Gabriel Matzneff qui venait de publier un
manifeste pédophile sous le titre Les Moins de seize ans. Le 25 octobre 1974,
Le Monde en avait publié un excellent compte-rendu sous la plume de Roland
Jaccard. Philippe Sollers a édité six volumes de ses journaux pendant dix-sept années.
Qui dira que cette aimable complicité ne fut pas constante? Dans ces livres,
Matzneff donne le détail de sa vie de pédophile. BHL dit du bien de lui sur un
plateau d’Apostrophes en 1987 mais aussi ici ou là dans son bloc-notes, par
exemple dans Questions de principe V (Livre de Poche pp.179-180). Matzneff a
été chroniqueur au Monde de 1977 à 1982. Quand a éclaté l’affaire Vanessa
Springora qui a publié un ouvrage dans lequel elle raconte sa relation avec
lui, Josyane Savigneau, qui fut directrice du Monde des livres entre 1991 et
2005, et qui confondait souvent ses intérêts et ceux de la littérature, est
remontée au créneau pour défendre Matzneff. Dans un message sur Twitter, la
dame assimile ceux qui prennent parti pour le pédophile à des «résistants». On
comprend que, pour certains journalistes du Monde, les mots résistant et
collaborateur ne signifient plus grand-chose – ce qui aurait réjoui Robert
Faurisson le père du négationnisme. De 1977 à 2020, quelle constance dans
l’abjection!
Le
Monde a également aimé la Chine de Mao. C’est dans ses colonnes que Sollers
(11. IX. 1974) ou Barthes (24.V.1974) ont pu vanter les mérites de ce régime en
pleine Révolution culturelle – les estimations hautes parlent de vingt millions
de morts pour cette seule période de l’histoire chinoise. Une peccadille bien
sûr…
Le
même journal a aussi célébré Pol-Pot. Le 17 avril 1975, le journaliste Patrick
de Beer signe un papier enthousiaste sur la chute de Phnom-Penh. Jean
Lacouture, plume du Monde lui aussi, ne ménage pas non plus son soutient au
régime des khmers rouges. Le 17 janvier 1979, Alain Badiou publie Kampuchéa
vaincra dans … Le Monde. Il y défend ce régime qui va faire 1,7 millions de
morts, soit 20 % de la population. Une broutille évidement…
Michel
Legris qui a travaillé au Monde entre 1956 et 1972 écœuré par ce qu’il a vu
dans ce journal, a publié en 1976 Le Monde tel qu’il est afin de dénoncer la
propagande que mène ce journal sous prétexte d’information. Il a documenté les
techniques de désinformation, les rhétoriques spécieuses, les amalgames, les
paralogismes, les insinuations très jésuites qui constituent la déontologie du
journal! Après la parution de son enquête, pendant neuf ans, ce journaliste a
été mis au ban de la presse française.
En
2003, Pierre Péan et Philippe Cohen remettent le couvert avec La Face cachée du
monde. A l’époque, le journal était dirigé par Alain Minc, Jean-Marie Colombani
et… Edwy Plenel. Ne cherchez pas l’intrus, il n’y en a pas. Le Monde n’aime pas
que les idées, il aime aussi beaucoup l’argent et pas toujours l’argent propre:
le livre documente tout cela jusqu’à la nausée. Daniel Schneiderman dira dans
ce journal où il travaillait que ce livre soulevait un certain nombre de
problèmes; il sera licencié.
Monsieur
Mestre maintenant.
Je
n’ai pas fait d’enquête. On m’a juste signalé qu’il était au PCF. Voilà qui me
suffit amplement pour juger de la valeur éthique et déontologique du
personnage.
De
la même manière qu’un peu d’histoire ne nuit pas pour savoir à quoi s’en tenir
avec Le Monde, un peu d’histoire nous permettra de savoir ce qu’est ce Parti
auquel adhère ce monsieur…
La
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