jeudi 14 mai 2020

Luc Montagnier, prix Nobel controversé, accuse des biologistes d'avoir créé le coronavirus


Conspué par la communauté scientifique pour ses positions radicales, notamment anti-vaccins, Luc Montagnier affirme que le virus résulte d'un "travail d'apprenti sorcier".


Par Geoffroy Clavel sur Huffpost le 17 avril 2020

https://www.huffingtonpost.fr/entry/luc-montagnier-le-controverse-prix-nobel-accuse-des-biologistes-davoir-cree-le-coronavirus_fr_5e998515c5b63639081ccebc


SCIENCES - C’est une théorie qui enflamme les réseaux sociaux et les adeptes de la complosphère. Alors que, en plein bras de fer avec Pékin, les États-Unis mènent une “enquête” pour déterminer si le coronavirus, bien que d’origine naturelle, se serait échappé d’un laboratoire chinois à Wuhan, le très controversé professeur Luc Montagnier, prix Nobel 2008 pour son rôle dans la découverte du VIH mais conspué par la communauté scientifique, a mis les pieds dans le plat en accusant la Chine d’avoir créé le SARS-CoV-2 avant de le laisser s’échapper dans la nature.

Dans un entretien accordé au site “Pourquoi Docteur” puis sur le plateau de CNews, Luc Montagnier assure que “le virus sort du laboratoire de Wuhan qui s’est spécialisé sur ces coronavirus depuis le début des années 2000.”

“Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y avait une manipulation au sujet de ce virus”, plaide le virologue qui accuse des “biologistes moléculaires” d’avoir inséré dans un coronavirus des séquences d’ARN du VIH, “probablement” dans le but de trouver un vaccin contre le Sida. Le professeur propose de débarrasser le virus de ces éléments étrangers “avec des ondes”.

Le prix Nobel de médecine Luc Montagnier affirme que le coronavirus Sars-CoV-2 est un virus manipulé en laboratoire... L'intégralité de l'émission #HDPros https://t.co/8KPMGnKL2dpic.twitter.com/qMTmVN0DQA

   CNEWS (@CNEWS) April 17, 2020

Pointant tour à tour un “travail d’horloger”, le professeur reste nébuleux sur les conditions qui auraient permis au virus d’échapper à la vigilance des chercheurs et condamne “un travail d’apprenti sorcier”.

Une théorie très éloignée des pistes les plus consensuelles au sein de la communauté scientifique. Pour l’heure, on soupçonne le nouveau coronavirus d’être apparu dans un marché en plein air de Wuhan où des animaux exotiques étaient vendus vivants. D’origine animale et proche d’un virus présent chez des chauves-souris, il aurait pu s’y transmettre à l’Homme et muter.

La théorie du coronavirus lié au VIH “n’a pas de sens”, a réagi le virologue Étienne Simon-Lorière de l’Institut Pasteur à Paris auprès de l’AFP. Ces séquences “sont de tout petits éléments que l’on retrouve dans d’autres virus de la même famille, d’autres coronavirus dans la nature. Ce sont des morceaux du génome qui ressemblent en fait à plein de séquences dans le matériel génétique de bactéries, de virus et de plantes”, lance-t-il.

Bête noire de la communauté scientifique


Le profil de Luc Montagnier, qui a enchaîné les prises de position radicales et controversées dans la communauté scientifique, est lui-même sujet à caution, comme le résume ce message de ce biologiste moléculaire au CNRS.

Pour rappel, Luc Montagnier

- est anti vaxx avec son pote Joyeux

- a retrouvé la mémoire de l'eau de son pote Benveniste

- défend l'homéopathie

- régénère des séquences d'ADN à partir d’eau pure et des signaux électromagnétiques numérisés et les transmet par mail.

   Alexis Verger (@Alexis_Verger) April 17, 2020

Dès 2009, un an après avoir obtenu son prix Nobel, le professeur Montagnier avait semé la consternation dans la communauté scientifique en plaidant qu’un bon système immunitaire suffisait pour se prémunir du Sida.

Un an plus tard, il soutenait la théorie de la mémoire de l’eau, pourtant discréditée scientifiquement, défendue 1988 par Jacques Benveniste, qu’il percevait comme “le Galilée des temps modernes”. 

En 2017, Luc Montagnier avait même suscité une bronca générale en prenant position contre les vaccins obligatoires prescrits en France, accusés selon lui, et contre tout ce que prouvent les études épidémiologiques, “d’empoisonner petit à petit toute la population qui va nous succéder”. En réaction, 106 académiciens des sciences et de médecine avaient pris la plume pour adresser un “ferme rappel à l’ordre” à leur confrère.

“Nous, académiciens des sciences et/ou académiciens de médecine, ne pouvons accepter d’un de nos confrères qu’il utilise son prix Nobel pour diffuser, hors du champ de ses compétences, des messages dangereux pour la santé”, déploraient-ils alors.

Des signes avant-coureurs qui doivent au minimum nous inciter à interpréter avec précaution les accusations formulées par le scientifique controversé (dont le Prix Nobel n’est pas un passeport d’omniscience, comme nous le rappelions ici) sur le coronavirus.

Le couac de la fameuse ”étude indienne” 


À ce sujet, Luc Montagnier assure toutefois en pas être le premier à pointer la piste du laboratoire de Wuhan comme potentiel point de départ de la pandémie. “Un groupe de chercheurs indiens très renommé” a essayé de publier une étude montrant que le génome complet de ce coronavirus a des séquences du VIH, assure-t-il. Selon lui, ces chercheurs auraient dû se rétracter par la force d’une “volonté d’étouffement”.

Mais cette rumeur d’une étude indienne retirée sous la contrainte a déjà fait long feu. Un article du Monde a retracé la genèse de ce couac scientifique, la fameuse étude ayant été publiée non par la contrainte mais sous la pression des critiques de la communauté scientifique. L’étude en question avait d’ailleurs été “pré-publiée” sans relecture par des pairs. Depuis, le site qui avait hébergé cette étude rappelle que ses publications “ne devraient pas être considérées comme des conclusions, des conduites sanitaires, des guides cliniques, ou être reprises par la presse comme des informations acquises”.

Le lien entre le nouveau coronavirus et le VIH est lui-même extrêmement ténu. À l’origine de cette confusion récurrente: des symptômes similaires pouvant laisser à penser que le coronavirus serait une combinaison du Sras et du VIH. Il n’empêche: deux maladies très différentes (le SARS-CoV-2 est un coronavirus, le VIH un rétrovirus) peuvent afficher des symptômes similaires.

“Si on prend un mot dans un livre et que ce mot ressemble à celui d’un autre livre, peut-on dire que l’un a copié sur l’autre ?” “C’est aberrant”, tranche à l’AFP le virologue Étienne Simon-Lorière de l’Institut Pasteur à Paris.

Complotisme et manque de transparence


Si les affirmations du professeur Luc Montagnier sont donc à prendre avec beaucoup de précautions, nul doute qu’elles alimenteront les suspicions des amateurs de vérités cachées, confortés dans leurs doutes par le manque de transparence de la Chine. Critiqué pour son décompte suspect du nombre de morts du coronavirus, Pékin vient tout juste de revoir à la hausse son bilan des victimes tout en esquivant toute critique l’accusant d’être à l’origine de la pandémie.

Plus d’un quart (26%) des Français pensaient que le nouveau coronavirus a été fabriqué en laboratoire, dont 17% “intentionnellement”, et ce dernier chiffre bondit à 40% chez les sympathisants du Rassemblement national, selon une étude de l’Ifop publiée fin mars.

Les spéculations sur la fiabilité des mesures de sécurité du fameux laboratoire P4 de Wuhan n’ont jamais cessé depuis le début de la pandémie. En France, plusieurs personnalités politiques de droite et d’extrême droite se sont immédiatement emparées des propos de Luc Montagnier pour attaquer le défaut de transparence de la Chine.

2/2 Si les dires du Pr Montagnier se confirment, la Chine a une dette incommensurable à l’égard du monde. On ne fera pas faire revenir les victimes mais on peut soigner les pays en gelant tous les avoirs chinois. https://t.co/VK9WolmcPr

   Alain Houpert (@alainhoupert) April 17, 2020

🔴#Coronavirus Le prix Nobel de médecine 2008 le Pr LUC #MONTAGNIER sort une "bombe" sur l'origination du #Covid19.Ce monstre bactériologique affublé d'un segment moléculaire de #VIH ne serait pas naturel ni spontané & se serait échappé de Chine! @DLF_Officiel@CNEWS@PascalPraudpic.twitter.com/U9B5OlHMJ4

   Bernard Monot (@Bernard_Monot) April 17, 2020

Ecoutez !

On se croirait dans un film d’horreur : Professeur Montagnier, prix Nobel de médecine, serait-il complotiste ?


   Gilbert Collard (@GilbertCollard) April 17, 2020

Notons qu’aucune de ces personnalités politiques n’a jugé utile de rappeler le pedigree scientifique controversé du professeur Luc Montagnier.

Note de zalandeau : Pour ma part, je connais les déclarations successives de Montagnier au long de sa carrière et qui me laissent un doute sur ses compétences… Il a maintenant 88 ans et je pense qu’il n’est plus dans le coup et que ses affirmations, qui ne sont que des hypothèses, ne sont plus crédibles… La science a avancé depuis…
Ceci étant, il n'empêche que le départ de cette pandémie, à proximité immédiate du laboratoire P4 de Wuhan, laboratoire à la pointe de la recherche, que nous, Français avons contribué à construire avec les Chinois et dont nous avons été renvoyés dès la fin de sa construction... laisse à penser que les chercheurs Chinois de Wuhan ont quelque chose à voir dans cette catastrophe...

       

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