Note de zalandeau : Ci-dessous une ébauche d’analyse
comportementale de Sarkozy, Roy des Francs et surtout des €uros.
Libération.
7décembre 2007
«Le souci de Sarkozy c'est de toujours vouloir faire
la preuve de son existence»
Pour Jean-Pierre Winter,
psychanalyste, le sentiment d'agitation perpétuelle que donne le chef de l'Etat
naît de ce qu'il est constamment dans le «vouloir être», au détriment de la
pensée.
Jean-Pierre Winter,
psychanalyste, de formation philosophique, est notamment l'auteur de « Les
hommes politiques sur le divan » (Calmann-Lévy, 1995) répondait aux
questions de Libération.
Comment peut-on
interpréter l'hyperactivité de Nicolas Sarkozy sur le plan psychanalytique?
C'est drôle parce que le mot
hyperactivité est très à la mode chez les enfants. Donc c'est un peu comme si
vous me demandiez s'il faut donner de la Ritaline à Sarkozy. Je ne suis pas psychiatre, je
ne sais pas. Le terme est un peu réducteur, parce qu'il contient déjà une
réponse. Ce qui m'interroge chez Sarkozy, c'est la
différence entre l'acte et l'agir. Tout se passe comme s'il y avait une espèce
de confusion entre les deux. Faire un acte politique, c'est une
chose, agir en est une autre. Un acte, c'est par exemple ce qu'a fait De Gaulle
avec l'appel du 18 juin. Un acte s'inscrit durablement, tient compte de plein
de paramètres pas immédiatement lisibles par tout le monde, ce n'est pas juste
un mouvement d'humeur. Dans le cas de l'appel de De Gaulle, il a mesuré les
forces en présence, c'est un savant calcul de stratège.
Nicolas Sarkozy, par
opposition, serait plutôt dans l'agir?
Quand on lit le livre de Yasmina
Reza (L'aube le soir ou la nuit, récit-portrait du candidat Sarkozy,
ndlr), on voit bien qu'il y a chez Sarkozy une
profonde défiance à l'égard de la pensée.
Dès lors qu'il s'agit d'élaborer la position qui est la sienne, il se fie plus à son intelligence intuitive qu'à une
élaboration de ce qu'il est en train de dire, s'en remettant pour
cela à des gens comme Guaino (Conseiller spécial du chef de l'État) ou Kouchner
(ministre des Affaires étrangères). Quand on le voit s'agiter, du verbe agir
cette fois, comme il le fait depuis six mois, on se demande à quel moment il
pense à ce qu'il fait, à quel moment il élabore. Il
y a une fuite dans l'acte.
Alors c''est vrai qu'il
s'entoure, par le biais des commissions, de gens qui se donnent le temps de
penser. Mais en même temps il ne leur donne pas le temps de penser puisque les
délais sont très court, totalement inhabituels sous la Ve République.
C'est ce qui donne ce sentiment d'agitation, c'est qu'on a l'impression qu'il
«squeeze» le temps.
Tout cela est-il calculé,
ou relève-t-il parfois de mouvements d'humeur?
Sur le plan politicien, je ne
doute pas que ce soit calculé. Il s'est engagé à faire des réformes, il sait
que le temps lui est compté, sa crédibilité est en jeu. Sur le plan politique,
au sens noble du mot, je ne pense pas que ce soit calculé suffisamment. Sur les
effets par exemple de ses réformes menées tous azimuts, dont chacune efface la
précédente.
Nicolas Sarkozy a
l'habitude de tutoyer, et dit «je» à tout bout de champ. Comment faut-il
l'interpréter?
Il n'y a pas besoin d'être
psychanalyste pour constater qu'il personnalise
complètement l'action gouvernementale, qu'il se substitue à tout le monde,
qu'il fait preuve d'une certaine ubiquité. On peut prendre les choses soit du
côté d'une espèce d'hyper-narcissisme,
mais ça serait un peu de la psychologie sans grand intérêt, soit il pense qu'il
y a besoin d'un chef. Et ce qu'il faut alors interroger c'est l'idée qu'il se
fait d'un chef. Or, dans une démocratie, un chef
c'est d'abord quelqu'un qui a une grande capacité à déléguer. Et là il y a
effectivement un problème. S'il était dans un système tyrannique, finalement il
serait très à l'aise... Mais il est bridé par le système dans lequel
on est.
Sur le plan psychanalytique, on
peut se référer à Paul Valéry, qui n'était pourtant pas psychanalyste mais qui
disait: «De temps en temps je pense, de temps en temps je suis». Quand
on pense, on n'est pas dans l'être et quand on est dans l'être, on n'est pas en
train de penser. Chez Sarkozy, le sentiment qu'il
donne est de vouloir être toujours dans l'être. De vouloir toujours faire la
preuve de son existence. Tout le temps.
A-t-il toujours été comme
ça, «dans l'être», ou est-ce depuis son accession au ministère de l'Intérieur
puis à l'Élysée?
Je pense qu'il a toujours été
comme ça, et c'est pourquoi il est si fascinant pour beaucoup de gens, et notamment
pour les intellectuels, qui eux ne sont au contraire que dans la pensée. Donc
quand Sarkozy, avec sa politique d'ouverture, leur offre l'occasion d'être dans
l'action, ils se précipitent, comme toujours dans l'histoire depuis Platon, et
plus récemment Heidegger. Les deux seuls qui ont résisté à ça, d'une manière
assez courageuse il faut dire, ce sont BHL et Finkielkraut. Sans exprimer
d'antipathie profonde, ils ont su rester à la place qui est la leur.
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