Le Permis de conduire
Par Jean Yanne, Lawrence Riesner et Guy Lux
Une
voiture auto-école. Un examinateur attend en consultant ses fiches.
L'examinateur
: Examinateur, ce n'est pas un métier. Tous les candidats veulent avoir leur
permis, ils ne se donnent même pas la peine d'apprendre le code de la route.
Enfin, avec moi, pas question de passe-droit. (Il crie : ) Premier candidat !
Un
homme assez efféminé monte dans la voiture.
L'examinateur
: Dépêchons-nous. Bonjour, monsieur, asseyez-vous.
Le
premier candidat : Bonjour, monsieur.
L'examinateur
: Bonjour, asseyez-vous, monsieur, vous vous trouvez sur une route à grande
circulation, vous croisez une route départementale dont la largeur est double
de celle d'un chemin vicinal qui la prolonge au sud-ouest d'une ligne médiane
tracée par le bas-côté d'une route secondaire parallèle à celle que vous venez
d'éviter en empruntant le trajet inverse de celui inscrit sur un panneau
indicateur placé derrière vous, il pleut, votre essuie-glace tombe en panne,
que faites-vous ?
Le
premier candidat : Vous me parlez avec une brutalité….
L'examinateur
: Monsieur, je vous ai posé une question précise, je vous prie de répondre !
Le
premier candidat : Non ! Vous m'avez psychiquement traumatisé. Je suis
complètement retourné maintenant.
L'examinateur
: Oui, bien pour l'instant, vous allez retourner chez vous, si vous ne savez
pas. Recalé ! Poussez votre genou.
Le
premier candidat : Sadique, va !
Le
jeune homme sort de la voiture.
L'examinateur
(Lawrence Riesner): Candidat suivant. Candidat suivant…Suivant… !
On
entend une voix dans le lointain.
Le
candidat (Jean Yanne) : Ah, une seconde ! Y a pas le feu, non ?
Un
candidat arrive. C'est une énorme brute. Il s'installe dans la voiture, et
prend toute la place.
-
Il y a d'autres candidats, monsieur, dépêchez-vous, je vous en prie…
-
Une seconde, on vous dit, quoi ! On a le temps de prendre un petit remontant
avant l'examen, non !
- Bien
sûr, mais …
-
Faut pas pousser quand même !
Le
candidat regarde l'examinateur, l'air mauvais.
-
Va falloir en rabattre, avec moi, parce que… Il faut pas jouer avec l'homme !
-
Asseyez-vous, prenez vos aises ! Je vous demande pardon, vous êtes bien
installé ?
-
Ça va, oui, ça va, sauf les genoux ça me gêne un peu les genoux, là.
-
C'est une petite voiture…
-
Ben oui, puis j'ai des gros genoux, alors ça me gène les genoux, quoi.
-
Oui, c'est ça, la prochaine fois, on prendra un autocar.
-
Ben y a intérêt, parce que je changerai pas mes genoux.
-
Bon. Monsieur, première question : Vous montez dans votre voiture, celle-ci ne
veut pas démarrer, que faites-vous ?
-
Est-ce que je sais, moi !
-
Vous feriez bien de le savoir ! Vous montez dans votre voiture, elle ne démarre
pas, qu'est-ce que vous faites ?
-
Euh…Redites-moi ça, un peu…pour voir ?
-
Vous êtes un peu dur d'oreille, vous tournez la clé, rien ne se passe,
qu'est-ce que vous faites ?
-
Eh ben je descends.
- Avec
la manivelle ?
-
Non, je descends, et je file un grand coup de pompe dans cette saloperie de
bagnole. Après je prends ma clé à molette, j'ouvre le capot et je casse le
moteur en mille morceaux. Je frappe, je cogne parce que je suis pas du genre à
me laisser emmerder par un tas de ferraille… Et puis pas par autre chose non
plus, d'ailleurs… suis-je assez clair ?
-
Bon, autre chose, monsieur.
-
Oui…
-
A présent vous arrivez à un carrefour.
-
Oui.
-
Un agent de la force publique vous fait signe de vous arrêter…
-
Oui…
-
Qu'est-ce que vous faites ?
-
Je passe ! Et puis je me débrouille pour l'attraper avec mon aile gauche et j'y
roule sur le buffet, et au passage, j'ouvre ma portière et j'y balance un bon
coup de latte dans la gueule, par la même occasion. Parce que c'est pas un flic
qui va faire la loi, non ! Prenez pas tout le siège.
-
Bon… maintenant… vous êtes sur une route départementale…
-
Ah, ça m'étonnerait, alors !
-
Qu'est ce que vous dites ?
-
Je dis ça m'étonnerait…que je sois sur une route départementale. J'y vais
jamais sur les routes départementales, c'est plein de boue, et ça sent mauvais.
-
Oui, j'entends bien, monsieur, mais c'est une supposition, vous êtes sur une
route départementale…
-
Non, je suis pas sur une route départementale, je viens de vous dire que j'y
mettais jamais les pieds sur les routes départementales ? J'aime pas ça, les
routes départementales. Je hais les routes départementales. Les routes
départementales, rien que de m'en causer, ça me donne envie d'envoyer des
mandales dans la tronche à tout ce qui remue.
-
Mais…Mais en admettant…
-
AAAh…Je vais me le farcir ! Ah, je vais être obligé de me le farcir, le petit
asticot !
-
Mais enfin, monsieur…
-
Vous commencez à m'énerver avec vos questions…. Est-ce que je vous en pose des
questions, moi ?
-
Non, mais…
-
Est-ce que je vous en pose ?
-
Absolument pas.
-
Est-ce que je vous demande qu'est-ce que vous faites si il se passe ceci,
qu'est-ce que vous faites si il se passe cela ?
-
Pas du tout …
-
Est-ce que je vous oblige à aller sur une route départementale moi ?
-
Qu'est-ce que j'irais y faire ?
-
Est-ce que je vous demande pourquoi vous avez cette tête d'abruti, et pourquoi
ça fait un bruit d'évier quand je la remue ? Hein ! La seule chose que je vous
demande, c'est si vous me le donnez mon permis, oui ou non ?
L'examinateur
terrorisé lui tend la feuille
-
Ah ! La ! La !... Qu'est-ce qu'on peut perdre comme temps en formalités !