Séparatisme ? Cessons de jouer sur
les mots ! (Titre sur Marianne
1199 du 21 février)
"Séparatisme" : le tour de
passe-passe d'Emmanuel Macron pour ne pas "stigmatiser" les
communautés. (Titre sur www.marianne.net du 19 février)
Par
Natacha Polony :
Commençons
par le commencement : les mesures annoncées mardi par le Président de la
République sont bonnes. Elles constituent un préalable à toute action de
reconquête républicaine. En finir enfin avec les enseignements de langues et
cultures d’origine, prodigués par des gens ne parlant pas un mot de français et
maintenant les enfants dans une vision du monde aux antipodes des valeurs
fondatrices de la nation, avec ces « imams détachés » prêchant un Islam venu de
sociétés théocratiques, relève de l'urgence. Comment espérer une pratique
apaisée de l’Islam par les Français de confession musulmane si on les livre aux
intérêts de pays étrangers, sous prétexte qu’ils sont les pays d’origine de
leurs parents ou grands-parents ? Comment les dirigeants successifs, de droite
comme de gauche, ont-ils pu maintenir un système détachant volontairement les
musulmans de la communauté nationale ? De même qu’on se demande comment des
élus de la République, comme Jean-Christophe Lagarde à Drancy, ont pu, pendant
si longtemps, acheter la paix sociale en laissant des représentants d’une
religion compenser le retrait de l’Etat et la destruction des services publics.
Le discours d’Emmanuel Macron marque un tournant, et, en cela, il doit être
salué.
Pour autant, la réponse qu’il apporte
est-elle suffisante, et surtout, repose-t-elle sur le bon diagnostic ? Certes, il nous promet des annonces successives pour
désamorcer tout débat : ne critiquez pas, vous n’avez pas la suite du plan… La
stratégie devrait permettre « d’enjamber les municipales », comme on dit chez
les commentateurs politiques. Mais on a compris l’essentiel : il s’agit une
fois de plus de jouer sur les mots pour ne fâcher personne. Quitte à oublier
qu’il n’y aura pas de reconquête républicaine si l’on ne comprend pas ce qu’est
la République et ce qui la menace.
Le
séparatisme que le Président n’ose dire islamiste est celui des salafistes
quiétistes dont une certaine gauche nous prétend qu’il n’est pas dangereux
puisque, justement, ils sont quiétistes
«
Séparatisme ». Le mot à tout pour plaire, et d’ailleurs, il plaît à cette
gauche qui jusqu’à présent niait qu’il y eût des « territoires perdus » et des
populations volontairement en marge de la communauté nationale. Dans
Libération, Laurent Joffrin applaudit. Le « communautarisme » serait le mot de
« la droite et l’extrême droite ». Les mêmes qui ont eu tant de mal à prononcer
les mots « terrorisme islamiste » nous expliquent désormais qu’il n’y a pas de
communautarisme en France, que ce concept laisse croire qu’on ne pourrait pas
avoir « des liens d’affinité » avec des gens partageant « la même origine ou la
même foi ». Traduction : ceux qui dénoncent le communautarisme n’aiment pas les
musulmans… Emmanuel Macron est moins bête. « Je ne suis pas à l’aise avec le
mot communautarisme, explique-t-il. On peut appartenir à une famille de pensée,
avoir une religion, des origines étrangères auxquelles on tient tout en étant
pleinement Française et Français dans la nation. On peut se sentir des
identités multiples si on respecte les lois de la République. » En gros, il
n’est plus question de considérer que la République ne reconnaît que la
communauté nationale. Les communautés, c’est formidable (on en est même, en
France, à parler de « communauté noire », comme si Africains et Antillais
étaient semblables du seul fait de leur pigmentation). C’est nier que le
communautarisme est l’enfermement des individus dans une supposée communauté uniforme
et que, justement, le communautarisme nie les appartenances multiples et
surtout changeantes. La République, au contraire, oppose au « droit à la
différence » le droit à être différent de sa différence, à n’être pas réduit à
elle.
Mais allons plus loin. Le séparatisme
que le Président n’ose dire islamiste est celui des salafistes quiétistes dont une certaine gauche nous prétend qu’il n’est pas
dangereux puisque, justement, ils sont quiétistes. Il n’est qu’une petite partie
du problème. Le Président a raison de le refuser fermement, mais si l’objectif
est de mettre tout le reste sous le tapis, il échouera. Quand des élèves
expliquent à un professeur que le Coran contient des vérités scientifiques et
que « lui croit ce qu’il veut » mais qu’eux garderont leur croyance, quand un
sondage nous explique que 59% des 15-24 considèrent, façon Belloubet,
qu’insulter une religion est une atteinte à la liberté de conscience, s’agit-il
de séparatisme ?
Au cœur de la civilisation européenne se
trouve le primat de la raison universelle comme fondement du pacte social et
politique. C’est cet héritage des
Lumières qui est aujourd’hui balayé, notamment parce qu’une religion en voie de
« refondamentalisation » rencontre cette société sécularisée, fondée sur un
implicite : la discrétion des religions. L’obscurantisme partout renaissant
n’est pas le fait d’une religion. Mais ceux qui défendent un Islam
théologico-politique, pour lequel la religion a une emprise globale sur la vie
des croyants, s’engouffrent dans les brèches creusées par le recul de la
civilisation européenne en général et de la République en particulier. La
République comme organisation de citoyens libres, guidés par leur seule raison
et non par leurs déterminismes sociaux, identitaires ou religieux. La
reconquête est donc plus vaste, parce qu’elle nécessite de retrouver et
d’affirmer, par delà la diversité des croyances et des origines, une vision
européenne de l’Homme et de sa liberté.
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