@ 28-11-2010 – 13:38:40
Tu pourrais te dire : « Mais puisque tu
n’es plus dans le monde du travail, tes amis, il faut faire une croix dessus,
ils sont eux encore dans ce monde-là »…
Alors tu te dis, que ce que tu croyais indéfectible,
l’amitié, celle que tu as depuis 35 ans avec l’un, 28 ans avec l’autre et 9 ans
avec le dernier, ce n’était pas forcément ce que tu croyais…
Cet affect, que tu pensais inébranlable, qui a résisté
à toutes les attaques, ne résiste pas à ce changement de statut de ta personne.
Tu étais l’ami, et maintenant tu es le déporté, tu es
celui qu’on ne veut pas devenir, le paria d’une société qui a peur de la mort,
qui a peur des mots et qui te met en quarantaine, comme si les mots étaient
infectieux et transmissibles…
Tu penses que ta vie est maintenant vouée à ta
famille. Tu penses que tu vas y puiser l’énergie de continuer, la force morale
qui te fait de plus en plus défaut…
Mais, là, tu te rends compte que cela n’est que
chimère.
Ceux qui te doivent tout, qui ont besoin de toi, dans
les aspects de survie, dans le besoin financier de leurs vies, à qui tu portes
un tel attachement, un tel dévouement et dont tu attends un tel besoin de leur
présence, un tel besoin de leur affection, ils te déçoivent, ils te tournent le
dos, ils te piétinent, comme une vengeance si attendue de la docilité trop
longtemps contenue sur l’autorité trop longtemps subie…
Avant tu te battais, maintenant tu ne peux plus et tu
n’en as plus l’envie…
Et te battre contre quoi ? Contre des moulins à
vents ? Vas-tu crier « aimez-moi ! », à tes anciens amis, à
ta compagne, à tes enfants ?
Il ne sert à rien de se raccrocher à qui que ce soit.
Tu comprends maintenant le désarroi et le désespoir
des vieux qui crient sans mots, qui implorent sans bruit, qui recherchent un
regard fuyant qu’ils ne trouvent jamais…
Tu comprends maintenant, seulement parce que tu es
devenu l’un d’eux : l’un de ces vieux inintéressants, inutiles, dont
l’existence est une gêne, comme un chancre dans la société des vivants…
Ton choix est un non-choix : Il ne te reste à
faire que ce que tu peux encore faire, penser à ton passé, organiser ton
départ, pratiquer ce que ton corps et ton cerveau te permettent encore, pour
toi, seulement pour toi ! Réparer une chaise, réciter un poème, rêvasser…
Alors tu fais ce que tu veux ? C’est donc le paradis ?
Ce n’est pas le paradis, car ta compagne te reproche
ta présence encombrante, tes enfants toisent ton inutilité et ne respectent
plus celui qui était le géant qui les rassurait…
En fait tu as besoin de gens qui n’ont plus besoin de
toi et qui te le font sentir ! Et ça, c’est terrible !
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