https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2019/02/05/a-mediapart-une-perquisition-avortee-et-contestee_5419417_3236.html
Mardi 5 février, Mediapart affiche une « une » de combat. Le site d’investigation fustige, depuis la veille, en gras et sur quatre colonnes, « la dérive autoritaire d’Emmanuel Macron ». Outre la loi controversée « anticasseurs » en discussion au Parlement, le site réagit à la tentative de perquisition dont il a fait l’objet, lundi en fin de matinée, après de nouvelles révélations sur l’ancien conseiller du président de la République, Alexandre Benalla. « Jamais, à “Mediapart”, nous n’avons eu de perquisition, même dans l’affaire Bettencourt », dénonce Fabrice Arfi, coresponsable des enquêtes du journal.Il était 11 h 10 quand deux magistrats du parquet, accompagnés d’enquêteurs, se sont présentés dans les locaux. La conférence de rédaction, où il a été question de la loi « anticasseurs » et des propos de M. Macron sur la presse prononcés jeudi 31 janvier devant un petit groupe de journalistes, vient de s’achever. Dans le cadre d’une enquête ouverte par le procureur de Paris, notamment pour atteinte à la vie privée, les magistrats entendent saisir des éléments liés aux enregistrements, publiés la semaine dernière par Mediapart, d’une conversation entre M. Benalla et Vincent Crase, ex-employé de La République en marche. Selon le site, l’échange a eu lieu le 26 juillet, quelques jours après que les deux hommes ont été mis en examen pour des violences sur des manifestants le 1er mai. Fabrice Arfi explique :
« Comme le droit nous y autorise, parce que c’est une enquête préliminaire, nous avons refusé la perquisition. Cette
perquisition est une mise en danger majeure de nos sources. C’est une
situation extravagante. Le procureur n’a pas exclu de revenir avec un
mandat du juge des libertés et de la détention, qui rendrait la
perquisition coercitive. »
Au droit de refuser la
perquisition s’est ajouté dans la journée un second élément de
contestation. En effet, on a appris qu’aucune plainte pour atteinte à la
vie privée n’avait été déposée par Alexandre Benalla ou Vincent Crase.
Or, cette absence rendrait l’enquête préliminaire – et donc la
perquisition – illégale, le parquet ne pouvant agir de son propre chef.Contacté, le parquet répond que l’enquête préliminaire est également ouverte pour « détention illicite d’appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d’interception de télécommunications ou de conversations ». Interrogé sur l’illégalité d’une procédure ouverte pour atteinte à la vie privée en l’absence de plainte, il cite une jurisprudence de la chambre criminelle du 31 janvier 2012, qui avait ouvert une exception, dans le cadre de l’affaire des enregistrements réalisés au domicile de Liliane Bettencourt – et déjà publiés par Mediapart. Toutefois, dans le cas cité, des plaintes avaient été déposées deux et trois jours après le début de l’enquête. Fabrice Arfi dénonce :
« Si on résume, nous
avons donc un procureur qui ouvre une enquête pour atteinte à la vie
privée, sans plainte, mais sur la foi d’un signalement d’un fantôme dont
on ne sait rien et qui n’est pas cité ni entendu dans les bandes que
nous avons révélées et, à l’abri de ce secret, pense pouvoir
perquisitionner un journal sans mandat d’un juge des libertés et de la
détention. »
Le parquet assure en effet avoir été « destinataire d’éléments ayant justifié l’ouverture d’une enquête préliminaire », mais refuse de donner plus de précisions.« L’Etat autoritaire s’affole »
Pour le journaliste de Mediapart, cette tentative de perquisition « est d’autant plus folle » que, lundi matin, le site a donné son accord pour transmettre à la justice le contenu des enregistrements, en réponse à une réquisition émise dans le cadre d’une autre enquête, menée sur les violences du 1er-Mai. « Les enquêteurs sont intéressés par ces bandes, car M. Benalla semble notamment violer son contrôle judiciaire en rencontrant M. Crase. »Dans un des extraits publiés, on entend l’ex-conseiller se targuer du soutien du président de la République, alors que l’« affaire » qui porte son nom a éclaté quelques jours plus tôt. « Truc de dingue, le patron [Emmanuel Macron], hier soir, il m’envoie un message, il me dit : “Tu vas les bouffer. Tu es plus fort qu’eux, c’est pour ça que je t’avais auprès de moi.” » Mediapart a aussi révélé qu’Alexandre Benalla s’est intéressé de très près à un contrat noué par son ami Vincent Crase avec l’homme d’affaires russe Iskander Makhmudov.
Pourquoi « Mediapart » a pu refuser une perquisition
Le site d’information Mediapart a refusé, lundi 4 février, une perquisition dans ses locaux dans le cadre d’une enquête sur la diffusion d’enregistrements de l’ex-homme de confiance d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla. « Le droit nous y autorise, parce que c’est une enquête préliminaire », a expliqué au Monde le journaliste Fabrice
Arfi, représentant du site. En effet, dans le cadre d’une enquête
préliminaire, l’assentiment de la personne visée est nécessaire pour
mener la perquisition. Devant le refus de Mediapart, les deux
procureurs et trois policiers qui s’étaient présentés ont donc dû
repartir. Le parquet peut à présent demander un mandat du juge des
libertés et de la détention pour rendre la perquisition obligatoire et
coercitive. « Le procureur adjoint a mentionné cette possibilité lors de nos discussions », précise Mediapart dans un article.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire