(transcription de K7 audio)
Votre
Maman elle m’a dit que je devrais enregistrer… un p’tit moment de ma vie,
lorsque j’étais enfant… Là, ça va être un peu long et un peu triste,
hein ! J’vais le faire pour lui faire plaisir… Elle le fera écouter à ses
enfants, si elle veut, mais pas en ma présence parce que franchement, je…
j’n’aime pas beaucoup remuer toutes ces choses qui étaient plus tristes que
gaies…
Voilà !
Quand je suis… j’ai du être né à Lang-Son, à la frontière de Chine… Et ma mère
avant de mourir, quand elle était à l’hôpital, m’a fait emmener moi et mon
frère qui avait deux ans de plus que moi… mon frère Jean, à l’orphelinat
d’Hanoï, par mon frère ainé Léon…
Parce
qu’il y avait aussi François… mais enfin… Et… quand elle est morte, je pense
que c’est mon frère François, qui l’a enterrée… Bon !
Et
il est venu un moment où… A un moment donné, il a fallu partir en France, vu
qu’on avait plus de parents ni de famille là-bas… Et j’étais très-très jeune.
Je ne me souviens plus de l’âge que j’avais, mais… je me disais « Tiens,
on nous met dans un train, avec d’autres enfants de l’orphelinat » et moi,
j’ai compris de suite… que je quittais la… le pays où j’étais né et que j’m’en
allais en France, dans ce si beau pays, mais qui n’était pas le mien… Et que je
quittais… mon frère Léon et mon frère François…
J’m’en
allais avec mon frère Jean… et tous les deux on était seuls dans l’train,
accompagnés bien sûr par quelqu’un, mais on était tellement nombreux, on était
peut être une trentaine. Et il y avait des… Il y avait des gosses qui étaient
accompagnés par leur mère et nous, tous les deux on était blottis… sur une
banquette… Et je me rappelle qu’on pleurait, surtout moi !
Enfin,
on est arrivés à Haïphong… On nous a embarqués dans le train, dans le bateau,
pardon ! On a monté la coupée, j’me souviens… Il y avait le monsieur qui
nous accompagnait… l’accompagnateur. Et sur le pont avec lui, je ne voulais pas
lui lâcher la main, parce que je ne voulais pas quitter… Je ne voulais pas m’en
aller ! Et il l’a bien vu !
Mais,
j’me suis endormi sur le pont…
Et
le lendemain quand je me suis réveillé, on était au large, en mer. Il y avait
plus d’accompagnateur, il y avait plus rien. Et c’est là que j’ai compris que…
Pour moi, j’étais perdu, quoi !
J’me
souviens, vous voyez, des choses qui sont très tristes, qu’on se rappelle, plus
facilement que les bonnes choses. Parce que les bonnes choses, il y en avait
pas encore eu dans ma vie ! Alors je pouvais me rappeler que des… des
souvenirs qui m’ont vraiment frappés ! Enfin…
Arrivé
à Marseille, forcément, la traversée avait été très très dure, parce que dans
l’océan Indien j’étais malade, malade, malade, pendant toute la traversée.
Peut-être une semaine, je ne sais plus.
Enfin,
on à mis vingt et un, vingt-deux jours pour arriver à Marseille Et à Marseille
on m’a embarqué pour aller à Coutances, mais ils ont gardé mon frère Jean…
pendant six mois pour l’acclima… l’acclim… l’acclimater ? Pour qu’il se…
Parce que le climat ne lui convenait pas, quoi ! Et moi, j’ai bien
supporté. Donc ils m’ont… Ils m’ont emmené à Coutances… A l’hospice.
Puis
de là, je suis parti en nourrice. C’est une nommée madame Nicole… Une très
mauvaise nourrice ! Au début on était trois : Moi et les deux frères
XXXXX (?
Le son est mauvais). Et, comme je disais à Maman, tous les jours, je
sais pas non plus encore l’âge que j’avais, puisque j’parlais ni Français, ni
rien du tout… Et… le Français je l’ai appris à mes dépends, hein ! Parce
que vous allez voir comment que c’était qu’elle me maltraitait, moi
principalement, parce que je ne pouvais pas me défendre, je savais pas parler
Français, je connaissais rien du tout. Tandis que les autres : Il y en
avait un qui parlait Français, de Giquel, le frère ainé. Alors…
Mais
on était tellement mal nourris. Moi, je me souviens, j’étais tellement maigre.
Elle me donnait pas… pas à manger ni rien du tout.
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