Hier, j’emmenais mon fils à son lieu de stage comme
chaque jour. Je pris la décision de lui parler, car c’était le seul moment de
la journée où nous étions un quart d’heure ensemble. J’éteignis la radio…
« Tu sais Toto, tu viens d’avoir vingt ans, tu es
un homme… Quand ton Papy approchait de la cinquantaine, j’en avais donc moins
de dix-huit… Il est tombé dans les pommes, comme ça, évanoui, sur le carrelage
de la salle à manger. Ta Mamie était inquiète mais forte. Nous, les enfants,
étions en larmes à part ton oncle qui était trop petit et qui ne comprenait
pas. Cela lui est arrivé plusieurs fois. Mais étant artisan, il n’avait pas les
moyens de se payer le médecin…
Plus tard, sur un chantier, ton Papy m’a dit :
Les hommes ont une forte mortalité entre cinquante et soixante ans. Passé ce
cap, ça va. Rappelle-toi de ça un jour !…
Les conditions de vie ont évolués. Mes problèmes ont
commencés plus tard, vers cinquante sept ans. Tu as vu l’autre jour !… Les
médecins ne comprennent pas tout. Cela pourrait m’arriver un jour. On ne sait
jamais. Certes, je me repose beaucoup, je suis en arrêt, mais tout est
possible…
Alors, je voulais à mon tour te dire que si ça
arrivait, je compte sur vous les deux ainés, Kiki et toi, pour vous occuper du
Petit Nono, il est très sensible… Et je compte aussi sur vous trois pour ne pas
abandonner votre Maman qui serait dans le plus grand désarroi, notamment
financier »…
Je jetais des coups d’œil furtifs à Toto en
conduisant. Il était silencieux et son œil brillait, mais il acquiesçait
frénétiquement de la tête. Je comprenais que sa gorge était nouée et qu’aucun
son ne pouvait sortir, sauf à dévoiler un sanglot qu’il cherchait à réprimer à
tout prix.
Très ému, il évitait mon regard… J’énumérais donc le catalogue
des ressources dont ils disposeraient : Assurance vie, Assurance décès, la
nécessité d’entamer très vite les démarches, vu les longs délais de paiements… Ce
qui lui donnât le temps de se reprendre…
Nous allions arriver, quand il me dit « Tu n’as pas
un sujet plus gai, par hasard ? »
« Oh, mais tu ne vas pas te débarrasser de moi
comme ça, je ne suis pas encore canné ! »
Nous arrivâmes à destination.
« Bonne journée mon fils. Travaille
bien ! »
« A ce soir Papa ! »
Dans mon fort intérieur, j’espérais fortement le
revoir encore ce soir-là…
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