Écrit le 19 décembre 2019
Quand j’étais jeune, les journées du jeudi et les
samedis après-midi, Papa m’emmenait sur son chantier pour travailler… J’ai
commencé à 7 ans et j’ai arrêté à 18… Ensuite ma sœur puis mon frère ont pris
le relais… Mais beaucoup moins longtemps que moi, parce que finalement j’avais
monopolisé ce travail pendant onze années…
Mon père était artisan peintre et ses chantiers
étaient en rénovation intérieure, c'est-à-dire sans risque… Sauf quand j’étais
plus grand, où là, il a commencé à me faire bosser à l’extérieur…
J’ai
commencé à 4 centimes d’anciens francs de l’heure… Je repeignais les
radiateurs en fonte avec une brosse à réchampir. Puis après il me confia
les fenêtres à réchampir et enfin, j’eus la responsabilité des plinthes
avec une brosse de pouce… Ce n’est que plus grand, que j’ai eu droit aux
portes avec une brosse plate à laquer… Pas de manque de touche, pas de
bavure… Il a toujours gardé les plafonds et les papiers peints pour lui
(C’est dur pour un môme, surtout les "plaftards" en laque glycéro
brillante). Papa faisait cela avec une facilité déconcertante…
J’aurais bien fait pareil avec mes gamins quand
j’étais gérant de ma boite, mais la dangerosité de travailler sur des terrasses
avec des grues tournoyant au-dessus des têtes et les failles de sécurité
(trémies non sécurisées, pointes non retirées des planches de coffrages, etc…),
m’en ont dissuadé… Ils n’ont ainsi pas pu prendre goût au travail et sont
plutôt gourds sur le bricolage quel qu’il soit…
Je me souviens d’un chantier à coté du port de Nice…
Nous repeignions une grille de clôture… Le midi, on mangeait à l’extérieur
assis sur des « camions » * de
peinture renversé (et vides)… C’était l’été… A midi, Papa allait acheter du
gros pain, du pâté, du jambon, chez les petits commerçants de l’autre coté de la rue et on se faisait de ces casse-dalles de première… Qu’il était bon le pain
à cette époque… Un pain fabriqué par le boulanger lui-même… Quand je pense au
pain de merde que l’on a actuellement !.. J’étais heureux finalement, même
si j’aurais préféré aller jouer aux cow boys et aux indiens avec mes copains et
courir dans les champs en friches et les ronces et aussi grimper dans les
figuiers pour manger des figues ou du raisin sur les ceps abandonnés…
Mais c’était l’été ce jour-là… Et l’été, quand j’étais
avec mon père, on terminait à seize heures et on allait piquer une tête à
« la tour rouge », une des deux digues du port de Nice…
Ensuite il s’en allait finir sa journée à la pétanque…
J’y allais parfois… Il était le roi du « carreau »… Quand il tirait,
il faisait pratiquement du 100% de réussite… Il avait des surnoms :
« Bras d’or », « le japonais », « le chinois »…
Combien de concours a-t-il remporté ? Je ne saurais dire, ils étaient
innombrables…
Il gagnait ainsi son argent de poche. Parce qu’il faut
dire que toutes les recettes de son chiffre d’affaire allaient à Maman qui
était la comptable et la trésorière ! Alors déjà que ce n’était pas
beaucoup, il n’allait pas taper dedans…
Il ne gardait que ce qu’il gagnait à la pétanque… En
tête à tête, il gagnait à chaque fois ! Et si la partie était intéressée…
Une fois, il a même offert une petite montre en plaqué
or à Maman. C’est qu’elle était fière comme Artaban, ce jour là, la
« Moumouse » à l’arrière de la moto, pour aller chez le bijoutier…
* Un camion, c’est un seau en fer destiné à
y verser de la peinture et qu’on peut suspendre par son anse quand on travaille
à l’échelle… A ne pas confondre avec une « tine » qui contient 25 ou 30 kg de peinture achetée
chez le fournisseur…
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