J’ai
eu les parents les plus formidables du monde. Dévoués, aimants, ils se sont
toujours sacrifiés pour nous. Parfois, il n’y avait à manger que pour nous,
mais c’est avec joie qu’ils se privaient, parce que nous étions leurs trésors,
les amours de leur vie…
Maintenant,
j’ai les enfants les plus formidables du monde. Aimants, fidèles en amitié et
en amour, d’une honnêteté absolue, scrupuleux, généreux. Bien qu’avec de
faibles moyens financiers, qui les amènent à se priver, ils s’offrent des
cadeaux entre frères, où ils mettent tout leur amour. Même nous, avons droit à
des cadeaux, alors que nous leur avions dit de ne pas faire cela, que leur
présence est le seul cadeau que nous désirions. Je leur avais dit que je
n’avais plus les moyens de leur offrir comme avant… Ils n’en ont cure !
Même le petit dernier, économise sur son argent de poche et ne manque jamais de
nous offrir, malgré nos protestations, un cadeau et quand celui-ci est modeste,
il y joint un magnifique dessin dédicacé…
Quel
bonheur ! Je suis l’homme le plus heureux du monde !...
…
En même temps, je me cache parfois pour pleurer… Tant d’amour de leur part, moi
qui ne le mérite pas ! Qu’ai-je fait pour eux ? Les mettre sur terre
dans un monde sans travail, sans avenir, sans espoir… N’est-ce pas
criminel ? Pas coupable ?... En tous cas responsable…
Responsable
de ne pas avoir tissé de réseau pour les caser à la fin de leurs études.
Responsable
de ne pas avoir réussi à amasser suffisamment d’argent pour les aider, ne pas
avoir réussi à conserver mon entreprise pour leur donner un emploi en famille
et assurer leur avenir… Je pense à toi Toto qui à dix ans, m’avait
demandé : « Est-ce que je pourrais travailler avec toi plus tard ? »…
Et je t’avais répondu « Oui », comme un gros con ! Alors que
quelques mois après, la loi Besson dont le décret d’application tardait, me
privait de travail, les promoteurs différant leurs opérations, alors que
quelques autres mois après, la loi Aubry faisait plonger la rentabilité de mon
entreprise… Je t’avais promis mais je n’ai pas tenu, j’ai cessé mon activité…
Responsable
de ne pas avoir fait la révolution pour chasser ces minables dirigeants de
gauche puis de droite, qui ont laisser s’effondrer le tissus industriel et tout
le cortège d’emplois y rattachés…
Responsable
de ne pas avoir deviné les intentions féodales qui seraient petit à petit
imposées aux Français et à vous mes petits…
Mon
Kiki, tu survis comme tu peux dans la précarité et avec un salaire de Roumain…
Mon
Nono, mon benjamin, toujours sans emploi à 24 ans, harcelé par le pôle emploi
qui cherche tous les prétextes pour te rayer de leur liste de demandeurs
d’emplois, alors qu’ils ne sont pas foutus de te proposer un seul emploi réel… Les
seuls emplois qu’ils ont, c’est les leurs et ils osent te considérer de leur
hauteur avec morgue et dédain…
Mon
Toto, tu gagnes ta vie au smic, mais forcé à faire des heures supp… Avec ce
patron qui veut t’obliger à travailler le week-end, dans des conditions pas
très salubres. Tu viens brusquement de perdre un peu d’acuité visuelle de ton
œil gauche. Ton emploi est précaire, car on t’a bien fait comprendre où était
la porte. Je vois également que les propositions faites au personnel, sont
empreintes de cette loi travail initiée par cette gauche de merde, dont le
décret d’application n’est même pas encore voté, que les patrons la mettent
déjà en œuvre…
En
même temps, comment feraient-ils ces petits patrons sous-traitants de dernier
rang, manipulés par leur client unique, pour ne pas être obligés de serrer
leurs prix et de se retourner contre la main-d’œuvre qui devient corvéable à
merci ?…
Pour
tout cela, que je n’ai pas su empêcher, je me sens coupable, mes chers petits…
Je
vous aime, mais je souffre pour vous et vos avenirs que je souhaitais radieux, le
jour où je vous ai pris dans les bras pour la première fois…
Heureux ?
Mais aussi le plus malheureux du monde !
Mais
quand chassons-nous ces politiciens qui sacrifient nos enfants ?...
Ma
tristesse pourrait bien se transformer en colère incontrôlable un jour !
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