dimanche 18 septembre 2016

Archives : Denis Frères


La famille Denis, fondatrice de la maison Denis Frères, a, depuis le début du XIXE siècle, été intimement engagée dans la vie maritime. Fils d'un soldat de l'Empire installé à Blaye, Étienne Denis commence sa carrière au commerce en embarquant pour des armateurs de Bordeaux aux voyages des Indes, de la côte d'Afrique et du Pérou. Devenu capitaine, il repart pour le Pacifique tenter une première expérience de liaison commerciale avec Tahiti. Cette mission remplie augurait favorablement d'une ligne du tour du monde touchant Tourane, Saïgon et la Réunion au retour. Mais le projet, faute de financement. se réduisit à la partie Europe Extrême-Orient, via Bonne-Espérance, voyages qu'Etienne Denis assura huit années durant, de 1839 à 1847, sur le Superbe, avant de se dédier à la création de comptoirs de commerce à Rio et au Callao.
Mais en 1857, Saïgon venait d'être ouvert au commerce. Les Bordelais avaient de ce pays une longue expérience. Étienne Denis fit aussitôt construire le brick-goélette, La Mouette, qui appareilla pour l'Extrême-Orient sous le commandement de son fils Gustave avec à bord, Émile, son second fils. Arrivés à Saïgon en octobre 1862, les deux frères y fondaient en novembre la maison qui porte leur nom.
Le riz fut tout d'abord la principale activité de la maison Denis Frères. En 1863 Alfred Denis était venu rejoindre ses deux frères à Saïgon. Peu après un premier voyage de poivre partait pour la France un chargement de riz. Gustave s'installa à HongKong pour faciliter les relations commerciales. Émile devint président de la Chambre de Commerce de Saïgon. Enfin Alphonse, le frère cadet, arrivé en 1868, prit en 1879 la relève de ses frères revenus en Europe. Une rizerie fut fondée en 1882 à Saïgon, puis l'année suivante, des filiales à Hanoï et Haïphong. Enfin Alphonse Denis reviendra à son tour, laissant les affaires à un directeur, des affaires dont le volume ira sans cesse croissant malgré la concurrence anglaise et allemande.
C'est en 1923 qu'est fondée - avec siège social 4, rue Catinat à Saïgon - la Compagnie Côtière de l'Annam, destinée à relier entre eux les petits ports et à faciliter les échanges entre la Cochinchine agricole, exportatrice de riz, et le Tonkin minier. Un contrat avec les charbonnages du Tonkin permettait la desserte en charbon de la côte et l'approvisionnement des chemins de fer. Un contrat avec les salines alimentait les pêcheries du Golfe. Le premier navire de la compagnie le Brésil, naufragé, fut remplacé par le Balguerie Stuttenberg, du nom d'une vieille maison bordelaise installée en Cochinchine bien avant Denis Frères. Mais ce ne fut qu'en 1939 que la Compagnie Maritime prit son essor avec les deux 2 500 tpl, Tran Ninh et Kontum, qui vinrent s'ajouter aux trois caboteurs existants : Francis Garnier, 1 640 tpl, Jean Dupuis, 900 tpl et Song Giang bâtiment de 1 440 tpl (ex-Dessinateur) ex-navire de la Cie Nauticus, créée par le commandant Dubost vers 1920.
La maison Denis s'identifie bientôt à la vie commerciale de l'Indochine en créant la Société des Riz, la Cie Franco Indochinoise, la Cie d'Equipement Industriel, la Société des Eaux et de l'Électricité d'Annam, les Brasseries et Glacières.
La guerre, l'occupation japonaise, vont paralyser les activités de la maison. La flotte fut entièrement détruite pendant les hostilités. En 1948 la compagnie recevait deux navires américains à chauffe au charbon type « Park »" de 4 700 tpl, et deux caboteurs américains de 800 tpl.
En 1951 la création d'une ligne de vapeurs à passagers entre Haïphong et Saïgon avec escale à Nha Trang et Tourane, surpassant les possibilités de charge et de confort du chemin de fer, connut un plein succès.
Ville de Saigon, mixte neuf, fut commandé en 1951, et Ville de -Haiphong, ancien mixte anglais d'occasion, fut acheté en 1953. Navires actifs, ils transportèrent en deux ans plus de 80000 passagers, particulièrement après la coupure du pays.
En 1953 le nom de la compagnie de navigation devenait Cie de Navigation Denis Frères (C.N.D.F.).
Au moment où les couleurs de Denis Frères vont quitter l'Indochine, il est intéressant de voir les armements qui ont été engagés sur cette côte, depuis les débuts de la vapeur (1).

Une des premières compagnies installées : la Cie Nationale de Navigation à Vapeur de l'Est Asiatique Français, avait disparu vers 1900. À partir de là on ne trouve plus que les Messageries Maritimes et les Chargeurs Réunis. 'Deux navires des Chargeurs furent affectés au cabotage de 1923 à 1929, Campinas et Caravellas. Puis en 1939 ce furent le Kindia (ex-navire de la Cie Maritime des Transports de l'A.O.F., exploité par les Chargeurs) et le Saint-Michel (ex-Kolente, bananier de la C.O.A.), tous deux stationnaires. Quant aux Messageries, elles assuraient plutôt la continuation de leur service postal vers Haïphong qu'un véritable service cabotage.

Vers 1920 se constitue la Société Les Affréteurs Maritimes Indochinois, raison sociale changée Société Maritime Indochinoise, dirigée par le capitaine Orsini, avec pour premier navire le Gouverneur général Sarraut.

À côté de Denis Frères on va trouver aussi Cie Asiatique de Navigation, du groupe Est Asiatique Français, sous la direction du capitaine Constantin.

Si bien qu'en 1938 on pourra dénombrer e Indochine les compagnies suivantes : les Messageries Maritimes avec Khai Dinh et Asni. La Cie Asiatique avec Canton et Laos, les Chargeurs avec Kindia. La Cie Côtière de l'Annam (Denis Frères) avec Jean Dupuis, Kontum, Tran Ninh, Francis Garnier, Song Giang, Gouverneur général Pasquier, Les Affréteurs Maritimes Indochinois avec les , Gouverneurs généraux, Sarraut, M. Long, Van Vollenhoven, Varenne, et les navires: Santa Fe, Surcouf, Altair, A. Tach, avec Tai Poo Sek, Tai Seun Hong, la Cie de Commerce et de Navigation avec Hai Sang, et d'autres petits armements à un seul bateau, de moins de 1 000 tjb.

À la reprise, en 1949, on trouvera en Indochine les Chargeurs avec Docteur Roux et Saint-Michel, les Messageries Maritimes avec l'Espérance, les Transports Océaniques avec Pigneau de Bëhaine et Gialong, Les Affréteurs Indochinois avec les « Docteurs » Pham Hu Chi, A. Calmette, Augier, Yersin. Denis Frère (Cie Côtière de l'Annam) avec Henri Mouhot, Do Huu Vi, et les petits Courlis et Petrel, la Cie Asiatique de Navigation avec Alexandre de Rhodes, enfin nombre de petits armements avec un seul navire de moins de 1 000 tjb.
On note dans cette liste l'appoint de dix navires type « Park ». Ces bâtiments construits au Canada de 1943 à 1945 constituaient la flotte fédérale de l'Indochine, le Haut Commissariat de France en étant armateur. Achetés en 1946, ils furent confiés, en gérance aux armateurs opérant en Indochine à la manière des « Liberty-ships » pour les armements de la métropole. Navires de 98 m de long, de 4 700 tpl, c'étaient des cargos classiques « trois îles », à quatre cales, avec un ou deux ponts. Ils étaient mus par une machine alternative de 1 176 ch, donnant 9,5 nœuds de vitesse moyenne.

En 1954 les accords de Genève décidant de couper le pays en deux par le dix-septième parallèle, marquèrent la perte des affaires du Nord et la fin u trafic maritime nord-sud. À ce moment-là, la Cie Denis-frères exploitait dix navires. Son siège social t transféré à Paris.
Ayant perdu nombre d'intérêts en Indochine, la maison Denis tenta tour à tour de s'implanter à Singapour, puis au Japon, mais là le volume des affaires réservé à une compagnie française se montrant trop faible pour le potentiel de la maison, elle-ci se tourna vers l'Afrique francophone qui lui semblait un meilleur champ d'expansion. Les affaires seront d'abord reprises à la Réunion, puis à Madagascar, mais les relations anciennes avec les Éts Maurel et Prom conduiront Denis Frères vers la côte occidentale d'Afrique. La Compagnie Côtière d'Annam devenue Cie de Navigation Denis Frères se liait à la Société Navale de l'Ouest, le 10 octobre 1955, dans un « service commun » pour l'exploitation d'une ligne traditionnellement desservie par la S.N.O., entre autres.
En 1955, la Cie Denis Frères achetait à la S.N.O. deux navires américains à six moteurs (1) Saint-Paul et Saint-Jacques, qui gardaient leur nom mais changeaient de pavillon. Le service commun, partant de Hambourg, Amsterdam, Rotterdam, touchait la France à Dunkerque, Le Havre, Bordeaux, avant de rejoindre la C.O.A. à Port Étienne et Dakar, jusqu'à Port-Gentil et Pointe-Noire.
En 1957 était commandé le Saint-Louis, 7 400 tpl, 16 nœuds, bien conçu pour la côte d'Afrique, premier des cargos « tout à l'arrière ».
En 1961, Saint-Paul et Saint-Jacques étaient allongés de 15 mètres pour mieux s'adapter aux grosses capacités du trafic et, en 1962, Denis Frères augmentait sa flotte du Saint-François, navire repris aux chantiers du Trait en cours de construction.
Après entente avec les Éts Maurel et Prom en 1955, le Djiring, 2 900 tpl, ancien navire de la flotte d'Indochine avait été affecté à la ligne Marseille Sète vers le Sénégal, via Dakar, mais l'activité de ce navire fut, dès 1962, prise en compte par une société nouvellement créée : la Djiring Fret S.A., qui fit les arachides sur la côte, via le cap Vert. La Cie Paquet avait des intérêts dans la société.
Mais il faut rappeler également ici la tentative faite par la Cie Denis d'une ligne Marseille - Naples, Le Pirée - Limassol - Haiffa, ancienne ligne des Messageries, sur laquelle étaient placés les paquebots Théophile Gautier et Lamartine. Ville de Saigon rapatrié, fut rebaptisé Lamartine pour cette ligne qui fut abandonnée six mois plus tard, incapable de surmonter la concurrence des compagnies d'État Zim et Adriatica.
En 1962 débutait la ligne Marseille - Sénégal. Ainsi la C.N.D.F. se trouvait-elle intégrée dans le trafic du pavillon français à la C.O.A., à côté de la S.N.O., du groupe S.A.G.A., Rothschild, de la Cie des Chargeurs Réunis, et de la Cie Delmas-Vieljeux.
Saint-Louis trop petit fut vendu en 1968 pour pouvoir acheter d'occasion Saint-Louis (11), ex-Thais Hope américain, et en 1970 étaient vendus les deux « six moteurs » ainsi que le Saint-François qui en 1968 devenait le Ville de Djibouti de la Havraise.
Puis étaient commandés à Sunderland deux bâtiments du type « Néo Liberty » (2), SD14: Saint-Paul(II) et Saint-François(II) livrés en février et novembre 1970.
Déjà dans la conférence C.O.L.I.N.A.V., en 1968 Denis Frères entrait dans la C.O.W.A.C., Conférence de la West Africain Coast.
En 1971 les comptes de la S.A.G.A. et par conséquent ceux de la S.N.O., mis à jour, apparaissaient déficitaires. Une politique de matériel disparate semblait être à l'origine de ces résultats. Par décision du groupe Rothschild, et avec l'accord des autorités françaises, la S.N.O. fut vendue à l'armement norvégien Leif Hoegh, ce dernier laissant à Denis Frères la gérance de la Société Navale de l'Ouest. Une filiale commune Navalden consignait les navires des deux compagnies à Bordeaux.
Le Service commun fut remplacé par le G.I.E. SCADOA, destiné à la desserte de l'Ouest africain. Dans le consortium figurent, outre la S.N.D.F. et la S.N.O., les armements Hoegh, Rederi A/B Transatlantic (Suédois), Koninklijke Ned Lloyd (Hollandais). Ce G.I.E. est l'un des trois plus grands groupes d'armement européen à la C.O.A.
En 1979, né des relations amicales de M. Bureau, président de Denis Frères, et de M. Tristan Vieljeux, commençait un service commun entre les deux compagnies sur la C.O.A.
Groupe financier important, en 1972 Denis Frères comprenait : Denis Frères S.A., Denis Frères Bordeaux S.A., La Cie Commerciale pour le Riz et l'industrie (SARI) S.A., la Cie de Navigation Denis Frères (C.N.D.F.) S.A. La maison détenait des participations dans les Brasseries et Glacières de l'Indochine, la Cie Franco Indochinoise, les Éts Maurel et Prom, les Éts J. Abile Gal.

(2) - On consultera un article de J. -P. ROBICHON, dans la revue Jeune Marine : Histoire du SD 14, du Liberty au Néo Liberty, article dont nous extrayons ces grandes données: En 1965, 800 Liberty-ship., étaient en position de réserve aux Etats-Unis, et 700 d'entre eux naviguaient encore. Mais on n'avait pas attendu cette date pour prévoir le remplacement de cette j7otte de service. Dès 1960, quelques chantiers s’étaient penché sur le problème de concevoir un bâtiment de 14 000 tpl, à deux ponts, calant moins de 9 mètres, et aussi bon marché à l'achat qu'à l'entretien. Cinq ans plus tard les chantiers A usine el Pickersgill de Sunderland présentaient les plans d'un bâtiment de ce type, Ie ( SD 14 – Shelter Deck de l4OOO tonnes équipé d'un Moteur Sulzer 5 cylindres de 5500 ch, calant 29 pieds et mesurant 134 mètres, pour un prix de 915 000 livres. Notons que c'est précisément à Sunderland qu'a été lancé, en octobre 1941, le premier Empire-Liberty, dont la conception devait inspirer le dessin des 2700, Océan liberty, américains qui furent construits pendant la guerre.

En 1976, 176 SD 14 avaient été commandés dans différents chantiers agréés pour construire sous licence A & P. Des modifications ont été appropriées au dessin original.- moteur poussé à 7 500 ch, mâts de charge, de 10 tonnes.
Pour Denis Frères, premier acquéreur français de ce type de navire, les modifications ont porté sur un moteur Sulzer de six cylindres, permettant 15 nœuds, des installations frigorifiques et des apparaux de levage propres au trafic C. O. A.

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