samedi 3 septembre 2016

Mémoires et radotages (65) – Le travail ne court pas les rues



Hier, tu nous as expliqué ton envie de démissionner de ta boîte, sans même avoir trouvé un autre travail.

Est-ce que tu te souviens de ces quatre ans sans boulot ? Est-ce que tu as envie de revivre ce stress du gars qui se sent inutile ? Tu n’auras pas le droit au chômage ! Sans chômage, tu auras vite fait de croquer tes économies. Il te faudra vite quitter ton appart et ramener tes meubles chez nous… Nous t’accueillerons les bras ouverts, bien sûr…

Mais si je claque demain ? Y as tu pensé ? Ta tit’man sera dans une merde pas possible. Elle n’aura pas les moyens de t’entretenir et aura bien du mal à payer les frais de la maison (Impôts locaux, chauffage électrique, eau, assainissement).
Crois-tu que le RSA sera suffisant pour vivre en participant aux dépenses de la maisonnée (si encore le RSA n'est pas supprimé) ?
Et ta voiture ? Elle n’est pas toute jeune ! Si tu ne peux t’en procurer une ou la réparer, avoir un boulot devient mission impossible, hein, tu y a pensé ?
Crois-tu que c’est un avenir pour toi, dans la précarité pour te construire un avenir, un foyer, une famille à toi ?
Tu sais, il n’y a aucune meuf qui veuille se mettre en ménage avec un gars sans revenus, sans boulot.

Tu ne crois pas que bien que tu aies des difficultés avec ces horaires de dingue qu’ils vont t’imposer, tu as quand même un chez-toi et un certain confort matériel ?
Penses-y ! Ton stress de ne pas avoir des horaires permettant une vie sociale épanouie, c’est une chose, mais le stress de vivre dans la plus grande précarité sera bien pire ! Personnellement, je ne voudrais pas que tu deviennes SDF. As-tu réfléchi à ça ?

Et puis, les amis, c’est bien joli ! Ils ont été contents de venir te trouver, pour que tu leur donnes un coup de main, mais ils ne seront pas là pour t’aider financièrement quand tu seras dans la merde ! Ils ne te connaîtront plus !

Alors je comprends que faire en horaire de base, un samedi sur deux en poste, qui vont te gâcher le dimanche quand ce sera poste de nuit, sans compter les heures supp. qu’ils ne vont pas se gêner de parfois demander sur le reste du week-end, cela te stresse, cela te donne le sentiment de devenir un esclave qui, comme tu l’as dit, vit pour travailler au lieu de travailler pour vivre…

Alors, bien qu’on ne puisse comparer mes emplois au tien, serais-tu prêt à faire ce que j’ai fait pendant des années ? Serais-tu prêt à te lever à 4h1/4 du mat, et à revenir à des 20, 21, 22 heures, en ayant travaillé 12 heures, sans rémunération des heures supplémentaires, en ayant fait 300 kilomètres de trajet et tourné 20 minutes pour trouver à te garer ? Avec des frais de parcmètres exorbitants, des accrochages fréquents de ta bagnole à réparer de ta poche ?

Et pourtant, il fallait garder une volonté de fer, parce que qu’il y avait la petite nichée à nourrir ! Il fallait s’impliquer au point de finir par aimer ce genre de travail, pour le dominer et ne pas se laisser couler par lui…

Alors à ta place, que ferais-je ?

-Dans mon ancienne peau de père de famille, je m’accrocherais à mon taf ; plus je ferais d’heures plus je pourrais faire bouillir la marmite pour ma nichée…
-Si j’étais dans la peau d’un célibataire comme toi, je bosserais un maximum pour que la boite s’en sorte parce que ce serait mon intérêt d’avoir un emploi et un salaire, je mettrais le maximum de pognon de coté, je resterai dans la boite, tant qu’elle existe (parce que si cela se trouve, dans deux ans elle n’existera plus) et surtout tant qu’il n’y a pas de problème avec la hiérarchie. Parce que quand tu es harcelé, brimé au boulot, crois-moi, c’est terrible, c’est insupportable. Une fois, j’ai tenu deux ans avant de donner ma dém (mais j’avais créé mon propre nouvel emploi avant de me tirer de là)…
Toi, tu as la chance de ne pas subir ce genre de mise au placard, de harcèlement, de traîtrise, de vacheries répétées, on te paye tes heures supp (lorsqu’elles sont demandées par la boite) : c’est inappréciable, même s’ils ne payent pas les heures de débordements ni les heures de pauses !

Et si un jour t’es lourdé, t’as droit au chômedu, t’as des ronds de coté, t’as un CV en béton et tu peux plus facilement envisager de retrouver un emploi avec une certaine sécurité financière…

Tu n’y es que depuis 14 mois… C’est que dalle ! Et Marc, ton contremaître, qui est ingénieur en informatique, tu ne crois pas que s’il trouve une place à son goût, il ne se cassera pas ? S’il est remplacé par Eugène, tu pourrais bénéficier de la place de ce dernier ? Mais il te faut faire preuve de plus de niaque (de zèle)…

Parce que tu sais, de tous ceux qui gueulent à propos de ces horaires débordant sur le week-end, la grande majorité acceptera, laminée par la volonté du patron et parce que vous n’avez pas de syndicat pour vous protéger. Le peu qui refusera sera démissionnaire. Ne crois pas que tu seras soutenu jusqu’au bout dans ta révolte. Tu te retrouveras seul et en plus tu seras l’homme à abattre…

Alors toujours à ta place, si vraiment je voulais partir, je tiendrais bon et je chercherais avec une volonté d’enfer, un autre boulot (sans le dire à personne) ! Mais crois-moi, je préférerais encore bosser jusqu’à temps qu’on me lourde ou que la boite ferme…

Mon Toto, le courage et la résilience, c’est ce qui fait l’homme…

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