Par
Jules Delaverné et Frédérix Depeltry - Valeurs actuelles du 2 juillet 2020
C'est
une affaire qui fait tache dans les rangs d'une administration qui se targue
d'incarner la rigueur et la probité. La Direction générale des finances
publiques vient de déposer plainte contre trois de ses fonctionnaires, agents
des impôts, en poste dans le département de Seine-Saint-Denis. Une plainte qui
date du mois de février dernier, à laquelle Valeurs actuelles a eu accès, et
qui fait suite à la mise en examen, fin janvier, d'un contrôleur et d'un
inspecteur des finances publiques, et d'une inspectrice en disponibilité, par
un juge d'instruction du pôle financier à Paris.
Ces
fonctionnaires, âgés de 44, 45 et 47 ans, rattachés à la direction
départementale des finances publiques (DDFIP) de Seine-Saint-Denis, sont
soupçonnés de s'être livrés pendant plusieurs mois à des escroqueries
concernant des remboursements de TVA à des sociétés, mais aussi d'avoir entravé
des contrôles fiscaux à venir auprès de gérants des mêmes entreprises
complices. Le tout en échange d'argent et de cadeaux…
Ils
sont poursuivis notamment pour “corruption passive”, “complicité
d'escroquerie”, “blanchiment de fraude fiscale” et “violation du secret
professionnel”. Deux d'entre eux ont été placés sous contrôle judiciaire. Le
troisième a été incarcéré. Sans une dénonciation anonyme, au printemps 2019,
tout porte à croire qu'ils auraient pu continuer leurs malversations présumées
en toute quiétude.
Après
avoir été alerté, le Parquet national financier (PNF) a chargé les enquêteurs
de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) de
faire toute la lumière sur cette affaire. Les conversations téléphoniques des
fonctionnaires suspectés, placés sur écoute, vont confirmer les premiers
soupçons. Les policiers découvrent les relations entretenues avec plusieurs
dirigeants de sociétés dans le secteur du bâtiment, de l'immobilier et des
transports, ainsi que les précieux conseils distillés par les agents des impôts
afin de leur permettre de récupérer des remboursements de crédits de TVA indus
à l'aide de fausses factures.
En
échange de leurs “services”, les trois fonctionnaires se voyaient rétribués
Des
rendez-vous avec un “apporteur d'affaires” dans un restaurant, implanté dans un
centre commercial à Sevran, sont également observés. « Ce rabatteur, qui
mettait en relation les agents des impôts corrompus avec des dirigeants
d'entreprise, a également été mis en examen, confie un haut fonctionnaire en
poste au sein de l'Office central de lutte contre la corruption et les
infractions financières et fiscales (OCLCIFF). Outre ces remboursements de TVA
auxquels ils ne pouvaient prétendre, ces chefs d'entreprise étaient alertés sur
les contrôles fiscaux à venir et étaient conseillés, par les mêmes agents des
impôts, afin de les éviter en trouvant une faille dans la procédure fiscale
engagée contre eux. » L'État a chiffré son préjudice à près de 2 millions
d'euros pour les années 2016 et 2017.
En
échange de leurs “services”, les trois fonctionnaires se voyaient rétribués en
argent, en ordinateur iMac, en achats divers sur des sites de ventes aux
enchères, ou touchaient un pourcentage, compris entre 5 et 10 %, sur les
remboursements de crédits de TVA obtenus.
«
Les investigations ont mis au jour des faits de corruption présumés,
particulièrement graves, à l'encontre de ces agents des impôts, souligne une
source judiciaire. Au domicile de l'un d'entre eux, la somme de 14 000 euros en
espèces a été saisie ainsi que de nombreux objets en ivoire et une collection
de pièces anciennes estimée entre 100 000 et 150 000 euros. L'enquête se
poursuit afin d'identifier l'ensemble des protagonistes de cette affaire et son
ampleur. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire