Le
quotidien américain The Wall Street Journal révèle comment les forces
spéciales françaises recrutent des soldats irakiens dans le but de tuer des
ressortissants français membres de l’État islamique à Mossoul. L’objectif :
éviter à tout prix le retour des djihadistes en France.
Ecrit par Tamer El-Ghobashy, Maria
Abi-Habib et Benoit Faucon, dans The Wall Street Journal le 29 mai 2017
Depuis des mois, les forces spéciales françaises font
appel à des militaires irakiens pour traquer et éliminer des ressortissants
français membres de la hiérarchie de Daech, selon des sources irakiennes et des
responsables français, dont certains sont encore en activité. Les officiers
irakiens qui commandent les opérations à Mossoul affirment que les forces
spéciales françaises ont fourni aux unités irakiennes spécialisées dans la
lutte antiterroriste les noms et les portraits de près d’une trentaine d’hommes
identifiés comme des cibles prioritaires. Un nombre, pour l’heure inconnu, de ressortissants
français ont été tués par l’artillerie et les forces terrestres irakiennes,
assure-t-on de même source, grâce à des coordonnées et d’autres informations
transmises par les Français.
Cette opération secrète a pour objectif de garantir
que les ressortissants français ayant fait allégeance à l’État islamique ne
reviennent jamais en France pour y perpétrer des attentats, nous ont confié
deux sources proches du ministère français des Affaires étrangères. La France a
été frappée par plusieurs attentats meurtriers inspirés par Daech ou
commandités depuis les fiefs des militants au Moyen-Orient, y compris ceux de
novembre 2015.
Pas d’implication directe des forces françaises
Une porte-parole du ministre français de la Défense
s’est refusée à tout commentaire sur l’opération. “Les forces françaises
travaillent en étroite coopération avec leurs partenaires irakiens et
internationaux, a-t-elle déclaré, quelles que soient les origines
nationales”, faisant référence aux 1 200 militaires français qui
aident les forces irakiennes à reprendre Mossoul.
Les forces spéciales françaises ne s’impliquent pas
directement – la France a aboli la peine de mort –, se contentant d’orienter
les combattants irakiens vers les Français membres de Daech, laissent entendre
nos deux sources en relation avec le gouvernement français.
Un haut responsable de la police irakienne a montré au
Wall Street Journal une liste contenant les noms de vingt-sept
personnes censées appartenir à l’État islamique et recherchées par Paris,
accompagnée de la photo de cinq d’entre elles. Les forces spéciales françaises
ont commencé à faire circuler ce document au début de l’offensive sur Mossoul,
l’an dernier. Il est mis à jour au fur et à mesure que ces hommes sont
éliminés, nous a expliqué ce responsable.
L’un d’entre eux était identifié sous le nom de
“Badouch”, et le document précisait qu’il avait été vu, en juillet 2016, au
volant d’une Kia blanche dans le nord de Mossoul, vêtu d’une tenue
traditionnelle irakienne. Plusieurs des noms sont des alias qui soulignent
qu’ils sont venus de France – Abou Ismaël Al-Fransi et Abou Souleïmane
Al-Fransi — ou de Belgique, dont étaient originaires certains des auteurs des
attentats de Paris. Le ministre belge de la Défense s’est lui aussi refusé à
tout commentaire.
Bagdad nie les assassinats
La France n’est pas équipée de drones armés. Par
conséquent, Paris a envoyé ses unités d’élite à Mossoul afin de repérer les
militants français, précise un spécialiste occidental de la sécurité.
Une quarantaine de membres des forces spéciales
françaises auraient déployé des outils de collecte de renseignements
ultramodernes, comme des drones de surveillance et des systèmes d’interception
des communications, afin d’aider à localiser les militants, nous a-t-on dit de
source tant irakienne que française. “Ils se chargent d’eux là-bas parce
qu’ils ne veulent pas avoir à le faire chez eux, commente un officier
irakien directement impliqué dans la coordination avec les forces spéciales
françaises. C’est leur devoir. Et c’est logique. C’est en France qu’ont eu
lieu les attentats les plus meurtriers à l’étranger.”
À Bagdad, on indique toutefois que l’armée irakienne
ne participe pas aux assassinats clandestins de combattants de Daech, et que si
l’information était avérée elle pourrait entraîner l’ouverture
d’une enquête.
1 700 Français dans les rangs de l’EI
Un porte-parole du ministère de la Justice irakien a
refusé de dire si le gouvernement détenait des combattants de l’État islamique.
Selon les militaires irakiens, la plupart des djihadistes se battent jusqu’à la
mort. Une source française proche du dossier explique :
S’ils sont vivants, en prison, après s’être rendus,
ils seront exécutés. En Irak c’est la peine de mort pour les membres de l’État
islamique. Et la France n’interviendra pas. C’est une solution plutôt pratique.”
Mille sept cents Français auraient rejoint les rangs
de l’État islamique en Irak et en Syrie, selon le Soufan Group, une
organisation basée à New York et spécialisée dans l’extrémisme. Le gouvernement
français estime que des centaines d’entre eux sont morts au combat ou rentrés
en France. D’autres pays occidentaux sont en possession des noms de leurs
ressortissants ayant prêté allégeance à Daech. Mais seule la France se
mobilise pour les traquer à Mossoul, expliquent des officiers irakiens.
“Peu de cadre légal”
La France a débattu de la légalité de s’attaquer à ses
propres citoyens au moment de rejoindre la campagne de bombardement américaine
en Syrie à l’automne 2015. Lors d’une frappe aérienne en octobre cette année
qui aurait tué des djihadistes français près de Raqqa, le gouvernement a coupé
court aux critiques en citant un article de la charte des Nations unies qui
autorise le recours à la force en cas de “légitime défense”.
Le droit français et la Constitution offrent peu de
protection aux citoyens qui prennent les armes contre le gouvernement, explique
Michel Verpeaux, professeur de droit constitutionnel à l’université
Panthéon-Sorbonne, à Paris. “Les Français ne se battent pas contre un État
mais contre un groupe armé, poursuit-il. C’est une situation très
floue avec peu de cadre légal.”
La France souhaitait déchoir de leur nationalité les
Français partis combattre avec Daech pour les empêcher de remettre les pieds
sur le sol français, une mesure déjà mise en place au Royaume-Uni, mais cette
proposition n’avait pas fait l’unanimité.
Selon deux officiers irakiens, des dizaines de
djihadistes français ont été tués au cours de la bataille de Mossoul. Cette
offensive qui dure depuis sept mois, menée par les forces irakiennes et la
coalition internationale, est sur le point de déloger les derniers combattants
de l’État islamique de la partie ouest de Mossoul, leur dernière place forte en Irak.
Les forces spéciales françaises circulent souvent dans
Mossoul sans être accompagnées par des militaires irakiens. Elles fouillent les
maisons abandonnées par des combattants étrangers, ainsi que des centres de
commandement, pour trouver des preuves matérielles ou des documents qui font le
lien entre leurs ressortissants et l’État islamique, selon deux agents irakiens
de lutte contre le terrorisme.
En avril, les forces spéciales françaises ont fait une
descente dans un centre médical près de l’université de Mossoul, où ils ont
contrôlé l’identité des blessés pour la comparer à la liste des Français qui se
battent pour l’État islamique. Les forces françaises, qui portent souvent des
uniformes irakiens et conduisent des véhicules portant les insignes militaires
irakiens, se préoccupent particulièrement des spécialistes des armes chimiques
qui travaillent sur le campus, selon un haut responsable de l’armée irakienne
qui coopère avec la France.
L’université de Mossoul était un quartier général de
l’État islamique jusqu’à ce que les forces irakiennes ne reprennent le site, en
janvier, selon ce chef militaire.
Collecte de preuves
Les forces spéciales françaises ont une équipe
médico-légale qui collecte des preuves matérielles – des échantillons de tissus
et d’os prélevés sur les morts et les blessés, ainsi que des gobelets et des
ustensiles usagés – afin de trouver des traces d’ADN
qui correspondent aux hommes recherchés, selon des responsables irakiens
et français.
Cette équipe a notamment collecté des échantillons
osseux sur un combattant mort pour comparer son ADN à
la base de données des Français soupçonnés d’avoir rejoint l’État islamique,
selon l’ancien conseiller des affaires étrangères à l’Élysée.
En janvier, quatre membres des forces spéciales ont
fait du porte-à-porte dans le quartier. Deux des soldats contrôlaient
l’identité des habitants pendant que les deux autres montaient la garde. “Ils
ont leurs propres cibles”, a précisé un agent de lutte contre le
terrorisme en voyant la scène.
Depuis quelque temps, les forces spéciales françaises
concentrent leur énergie sur l’hôpital Al-Jamhuri, un grand complexe situé dans
la vieille ville de Mossoul, d’après deux militaires irakiens qui ont travaillé
avec elles. La médina, un dédale de rues et d’allées densément peuplées, compte
de très nombreux commerces et reste le dernier quartier de Mossoul sous
contrôle de l’État islamique.
L’armée française soupçonne que les derniers hauts
responsables de l’État islamique, dont plusieurs Français, sont retranchés
dans l’hôpital.
Note de Zalandeau : En fait, l'état Français devrait envoyer tous les djihadistes Français en Irak, puisque là-bas, on peut juridiquement s'en débarrasser sans contraintes juridiques
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