Écrit le 29 juin 2021
Ensuite… Quand ? Disons, quand la ligne de démarcation fut établie, mon père est rentré chez lui en Normandie, parce qu’il n’avait pas de foyer dans le midi de la France, parce que les restrictions étaient plus fortes qu’en Normandie région de culture, d’élevage et où on peut toujours trouver à manger… Sa nourrice (celle qui était si gentille) était morte… Et hélas son curé ainsi que son instituteur (Mr Fromage), auxquels il avait promis de leur casser la gueule, étaient morts…
Où habita-t-il ? Je ne sais pas. A Heugueville sur Sienne probablement… Mais toujours est-il que pour faire échapper les jeunes adultes au STO (Service de Travail Obligatoire) en Allemagne, la mairie créa entre autres, des postes de gardes du pont de la Roque… Ainsi Papa garda-t-il ce pont dans une guérite, habillé en militaire Français avec fusil, casque…
Il passait le plus clair de ses nuits à roupiller en espérant que les alliés ne débarquent pas et ne lui fassent pas la peau !
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Il joua au foot dans l’équipe du CS Coutançais. Il entraîna André Lerond, (joueur moyen dira mon père) et qui fera une carrière professionnelle plus tard.
Papa joua ensuite au petit Quevilly (près de Rouen) du temps ou ce club était en première division…
Il fit du marché noir entre la Normandie et Paris et se fit beaucoup d’argent (il se payait des costards de soie, alors que tout était rationné)… Il gagnait en trois jours ce que ma mère secrétaire gagnait en un mois...
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Il fut rappelé à l’activité militaire le 20 février 1945 et affecté à la compagnie de port à Cherbourg… Il convoya des véhicules militaires de toutes sortes du port de Cherbourg jusqu’au front, soit par chemin de fer, soit par la route. Il fut renvoyé dans ses foyers le 10 septembre 1945 en vertu du décret de démobilisation du 26 août 1945. J’ai des photos le montrant en uniforme Anglais
Quand Papa connu-t-il Maman ? Je crois que c’est avant cette re-mobilisation…
Ils habitèrent ensuite à Paris, rue de Lourmel. Papa fit l’AFPA et décrocha le CAP de peintre –tapissier - peintre en lettres. Papa joua au foot au Red Star…
Ils se marièrent en 1946… Il avait beaucoup de chantiers de peinture (c’était la période de la reconstruction). J’étais encore petit (en 53, environ), et j’étais sur la touche le dimanche pour le regarder jouer), quand il cessa son sport, parce qu’il arrivait toujours en retard à cause de Maman qui nous mettait tout le temps à la bourre…
Puis il apprit le décès de ses deux frères Jean et François, probablement en 1953, dont la moto avait été renversée à Saïgon par un véhicule militaire…
Mes parents vendirent camionnette, meubles, vaisselles et nous partîmes pour Saïgon… Papa me raconta plus tard qu’il voulait venger ses deux frères… (Il n’y parvint jamais… L’armée ne délivre pas les coordonnées de son personnel comme ça…).
Nous sommes restés environ deux ans à Saïgon. Papa fit deux métiers : D’abord il travailla chez Denis Frères où il fut contremaître pour radouber les bateaux en cale sèche, puis gérant de la chaîne de cinémas qui appartenaient tous à Léon. (Celui-ci, milliardaire, détenait en outre les droits d’importation exclusifs de tous les appareils électroménagers de l’époque. Il prenait l’avion tous les week-ends, pour aller à Dauville, jouer au casino ! Mais il ne prêta jamais un centime à mon père, qui était pourtant son demi-frère !)
La chute de Diên Biên Phu se situe en mai 1954… en 1955, les Việt Minh commençaient la guérilla, uniquement de nuit, dans les faubourgs de Saïgon. Nous habitions dans le « quartier Chinois », rue Jean Eudel… Les balles traceuses passaient au-dessus des toits et Papa montait sur les tuiles pour tenter de voir d’où cela provenait… Au petit matin la contre-attaque s’opérait et on voyait une colonne de chars (probablement des M24 Chaffee) passer dans la rue. Il y eu trois nuit successives de mitraillages… Il n’y en eu pas de quatrième… Nous étions dans l’avion (Super Constellation) du retour… Paris-Orly, puis logés chez Pépère et Mémère à Paris rue Saint Dominique, achat d’une 203 neuve immatriculée en TT, puis Saint-Jean Cap Ferrat, où nous allions vivre des mois au camping. Quel bel été j'ai passé là... … Avant que Papa ne trouve un logement (quand je dis logement… c’était plutôt une remise à carrioles à retaper), Boulevard Mantéga-Righi, à Nice…
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