Gérard-François Dumont, Arnaud Lachaize
12 juillet 2019
Atlantico.fr : Mardi dernier, lors d’une séance à l’Assemblée Nationale, France Stratégie a dévoilé de nouveaux chiffres sur l’évolution de l’immigration au cours des vingt dernières années. D’après ces chiffres provisoires, "l’immigration est ainsi passée de 7,3 % de la population de la France en 1999 à 9,7 % en 2018." Sans parler de "grand remplacement", mot souvent porteur de fantasmes, comment caractériser le grand changement démographique qui s’opère depuis plusieurs années que l’on a encore du mal à chiffrer et à nommer ?
Arnaud Lachaize : Certains ne présentent que le solde
migratoire de la France qui est effectivement assez faible et ne montre pas
d’augmentation significative, son estimation annuelle ayant varié entre un
minimum de 39 000 en 2014 et de 115 000 en 2006. Mais ce solde migratoire
est le résultat de la différence entre les entrées sur le territoire qui
nourrissent l’immigration et les sorties du territoire qui correspondent à
l’émigration. Or, la nature de ces deux flux est fondamentalement
différente. Le premier est essentiellement composé d’arrivées de personnes de
nationalité étrangère ; le second comprend surtout des personnes de nationalité
française qui quittent l’Hexagone pour bénéficier d’opportunités dans d’autres
pays. Or la France connaît une hausse de l’immigration. Par exemple, sur
le site d’Eurostat, le nombre d’immigrants annuels est autour de 300 000 dans
la seconde partie des années 2000 ; il s’élève et dépasse 360 000 depuis 2015.
Cette hausse témoigne de l’attractivité de la France qui se mesure
principalement par l’importance du regroupement familial et l’augmentation du
nombre de demandes d’asile.
Une seconde raison qui a conduit ou conduit au « refus
de voir », pour utiliser la formule de mon maître Alfred Sauvy, la hausse de
l’immigration tient au fait que l’Allemagne a été, en 2015, particulièrement
attractive lorsque la chancelière Merkel a annoncé l’ouverture des frontières
et la suspension provisoire de l’application des règles européennes par l’Allemagne
en matière d’entrée dans l’espace Schengen ; plus de 1,5 million d’immigrants
sont entrés en Allemagne en 2015, puis 1 million en 2016. Ceci a donné
l’impression que, en comparaison, la France n’était guère un pays
d’immigration. Sauf que depuis, l’Allemagne a multiplié les décisions limitant
l’immigration. En conséquence, la France est devenue plus attractive, ce qui
est illustré par le fait que les demandes d’asile en France de l’année 2018
sont triples de celles déposées en Allemagne.
Arnaud Lachaize : Il est très curieux de constater comment, depuis
des décennies, sous couvert de vérité scientifique, les démographes les plus
réputés s’acharnent à nier l’augmentation de l’immigration en France. M. Hervé
le Bras expliquait ainsi doctement dans Sine Mensuel, en décembre 2013, que «
le nombre d’immigrés est stable depuis 2001 ». Or, les vrais chiffres sont
pourtant bien connus, ils proviennent de l’INSEE lui-même : le nombre
d’immigrés, c’est-à-dire celui des personnes nées à l’étranger, de nationalité
étrangère à leur naissance, résidant en France comme étrangers ou bien
naturalisées, est bel et bien en nette augmentation : plus d’un million environ
depuis 2000.
Les tabous ou l’aveuglement volontaire sur le sujet
relèvent de l’idéologie. Pour prouver que « l’immigration est une chance », il
faut faire croire qu’elle est maîtrisée et stabilisée. Or, tout le monde sait
que telle n’est pas la réalité. Tout le monde le sait sauf les scientifiques et
experts sur le sujet… Ce rapport de France stratégie a un intérêt particulier :
il est exceptionnel qu’un rapport officiel reconnaisse la simple réalité, les
faits : le nombre des immigrés est en nette augmentation depuis 20 ans.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire