Écrit par Michel Onfray la semaine du 19
novembre 2018
A l’heure où la France pauvre et modeste des Gilets jaunes fait savoir
ses difficultés à se nourrir, à se loger, à se vêtir et son impossibilité
d’offrir des sorties, des loisirs ou des vacances à ses enfants, Carlos
Ghosn, grand patron français (mais aussi brésilien et libanais, il a la triple
nationalité), se fait arrêter au Japon parce qu’il fraude le fisc… Pauvre
chéri: il ne gagnait que 16 millions d’euros par an! Il lui fallait bien mettre
un peu d’argent de côté s’il voulait survivre un peu…
J’y vois un symbole de la paupérisation induite par ce libéralisme que
Mitterrand fait entrer dans la bergerie française en 1983 avec les
intellectuels médiatiques du moment, Nouveaux Philosophes en tête. Des pauvres
de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux, puis des riches de plus en
plus riches et de moins en moins nombreux: voilà ce qu’est la paupérisation.
L’Empire maastrichtien est la créature des clones de Carlos Ghosn qui
paupérisent à tour de bras. Macron est l’un d’entre eux.
Les journalistes des médias dominants clament partout que le message des
Gilets jaunes est confus, invisible, illisible, divers, diffus, multiple,
contradictoire: non, il ne l’est pas. Il est même très clair: ce que dénoncent
les Gilets jaunes, c’est tout simplement cela: la paupérisation.
On le voit dans les reportages, ce peuple-là n’est pas doué pour la
rhétorique et la sophistique, la dialectique et la parole. Il dit simplement et
clairement des choses simples et claires que les diplômés des écoles de
journalisme, de Science Po, de l’ENA ou de Normale Sup ne comprennent pas parce
que ça dépasse leur entendement. Ils sont pauvres et l’engeance qui tient le
pouvoir, politique, médiatique et économique, ne sait pas ce que signifie
faire manger une famille avec 5 euros par repas. Ils ne le savent pas…
Il est facile de salir ces gens modestes comme le font Libération
et Le Monde, L’Obs (avec un article dégoûtant d’un nommé Courage,
probablement un pseudonyme…), voire l’inénarrable BHL. "Ces pauvres qui
disent qu’ils le sont et qu’ils n’en peuvent plus de l’être, quelle beaufitude,
quelle grossièreté, quel manque de manière!". Et ces journaux seraient des
journaux de gauche? Qui peut encore le croire?
"Salauds de pauvres!" disent Quatremer & Joffrin, Courage
& Askolovitch (qui m’inonde de textos insultants en me disant que tout le
monde "se fout" de ce que j’écris, sauf lui apparemment…),
Xavier Gorce, dessinateur au quotidien du soir & BHL. Car tous souscrivent
comme un seul homme à cette saillie qu’on entend dans la bouche de Gabin dans La
Traversée de Paris, un film de Claude Autant-Lara, un ancien du Front
national version Jean-Marie Le Pen: "Salauds de pauvres!" Le
rideau se déchire enfin!
BHL écrit: "Poujadisme des Gilets jaunes. Échec d’un mouvement qu’on
nous annonçait massif. Irresponsabilité des chaînes d’info qui attisent et
dramatisent. Soutien à Macron, à son combat contre les populismes et à la fiscalité
écolo" (17 novembre 2018). Passons sur la rhétorique du personnage,
il y a bien longtemps qu’il ne pense plus et qu’il ne fonctionne qu’aux
anathèmes –peste brune, rouges-bruns, poujadistes, fascistes, nazis,
staliniens, pétainistes, vichystes, maurrassiens sont ses arguties préférées
pour clouer au pilori quiconque ne pense pas comme lui. BHL a le record mondial
du point Godwin! Chez lui l’insulte a depuis longtemps remplacé toute
argumentation digne de ce nom. Dans le registre des insultes, on l’a oublié, il
y avait aussi: "saddamite"…
C’est le néologisme créé par lui pour insulter Jean-Pierre Chevènement
lors de la guerre du Golfe. A cette époque, BHL ne s’est pas fait traiter
d’homophobe! Il est vrai que ses amis dans la presse sont nombreux et qu’il
dispose d’un efficace pool qui nettoie le net de ses bêtises en les renvoyant
dans les pages invisibles du net –vérifiez en tapant "BHL saddamite
Chevènement" sur le net, plus rien, nettoyé… Étonnant! Car dans Bloc-Notes.
Questions de principe cinq, page 141 de l’édition du Livre de poche, on
peut encore y lire : "Chevènement saddamite et philoserbe". J’attends
que, des Inrocks à Libération, du Monde à
France-Inter, on dénonce cette homophobie qu’on m’a prêtée il y a peu parce
que, moi, je ne souscrivais pas au doigt d’honneur antillais qui semblait ravir
le président de la République, et que je l’ai fait savoir sur le mode ironique.
Il est vrai que BHL et l’humour, ça fait deux…
BHL qui fait tant pour qu’on parle de ses livres à chacune de ses parutions
voudrait qu’on ne parle pas des Gilets jaunes dans les médias! Comme si
c’étaient les journalistes qui créaient l’actualité…
La
pauvreté existe parce qu’on la montre.
Ne
la montrons pas,
De
cette manière elle n’existera plus.
C’est ainsi qu’on apprend à penser à l’Ecole normale supérieure!
Censurons ces Gilets jaunes à la télévision, demandons à France-Culture comment
on s’y prend pour interdire de parole sur les radios du service public, et
faisons taire cette racaille populiste, crypto-fasciste, lepeniste, vichyste,
pétainiste, nazie –ne nous interdisons rien! Car quiconque demande du pain pour
ses enfants est une ordure populiste bien sûr…
Que BHL soutienne Macron, il n’y a rien là que de très normal. Avec
Stéphane Bern et les Bogdanoff, Line Renaud et Philippe Besson, ce qui se
faisait de mieux chacun dans son domaine a offert ses courbettes au Prince. Il
y en eut de plus malins qui vinrent manger la soupe payée par le contribuable à
Bercy, qui servait à préparer la présidentielle. On n’y mangeait pas des repas
à cinq euros…
Enfin, que BHL soutienne "la fiscalité écolo", comme son ami
Cohn-Bendit, n’est pas non plus étonnant: il reprend l’élément de langage qui
voudrait que ces taxes aillent à la fiscalité verte alors qu’elles vont
majoritairement dans les caisses de l’Etat. La revue Que choisir l’a
récemment montré dans l’un de ses articles [1].
Pour salir les Gilets jaunes, des journalistes et des éditorialistes
affirment qu’ils refusent la fiscalité, qu’ils sont contre les taxes, qu’ils
refusent les impôts, qu’ils rechignent à payer des taxes écologiques. C’est
faux. C’est Carlos Ghosn qui refuse de payer ses impôts, ainsi que les riches
qui ont placé leur argent dans les paradis fiscaux avec l’assentiment de l’Etat
français, pas les Gilets jaunes qui, eux, veulent bien payer des impôts directs
et indirects, mais s’insurgent que ces impôts, qui doivent servir à payer le
salaire des fonctionnaires, à faire fonctionner les écoles, les hôpitaux, les
commissariats, les gendarmeries, soient accompagnés en province de suppressions
de fonctionnaires et de fermetures d’écoles, d’hôpitaux, de commissariats, de
gendarmeries.
Revenons à BHL: s’il est tellement soucieux de l’état de la planète qu’il
estime que l’Etat maastrichtien doive faire payer les pauvres avec leurs
voitures de travail afin que les riches puissent polluer en se déplaçant en
avion, alors qu’il cesse de passer son temps entre deux aéroports lui qui
disait sans vergogne qu’il avait trop de maisons…
On peut lire en effet dans L’Obs (5 juillet 2017): "J’ai
trop de maisons dans le monde": Bernard-Henri Lévy se résout à vendre une
de ses villas pour 6 millions d’euros. Lisons cet article: "Trop
d’argent, pas assez de temps. Bernard-Henri Lévy a confié à Bloomberg dans un
article publié ce lundi qu’il était contraint de vendre une de ses villas au
Maroc, à Tanger, faute de pouvoir en profiter suffisamment: "Je partage
mon temps entre Paris, New York et Marrakech. J’ai trop de maisons dans le
monde et hélas, l’année ne dure que 52 semaines". Prix de la demeure
sacrifiée: 6 millions d’euros, en vente sur le site de Christie’s International
Real Estate, pour 600
mètres carrés situés "au sommet d’une falaise, face
à Gibraltar, au point précis où se côtoient l’Atlantique et la
Méditerranée", affirme BHL, bon vendeur. Bonjour la trace carbone du
philosophe!
On comprend que cet homme-là ignore quelle misère signifie un trou de
cinquante euros dans le budget d’une famille vivant avec moins de mille
euros par mois… "Salauds de pauvres!", en effet.
Michel
Onfray
Salut "zalandeau"
RépondreSupprimerUFC - Que choisir ne fait que confirmer ce que je pense en disant que l'argent des taxes ne sert qu'à alimenter les caisses de l'Etat. Un Etat qui vit bien au-dessus de ses moyens avec des dirigeants ne pensant qu'à leurs propres intérêts.
Il faut que les français se débarrassent de cette classe politique qui, comme tous les parasites qu'elle laisse accéder à notre territoire, vit sans vergogne de notre labeur. Il nous faut des administrations de gestionnaires sérieux et honnêtes et non des beaux-parleurs aptes à nous escroquer.
Hier, en voyant les gilets jaunes bloqués, j'avais une pensée vers le passé, dans une caserne du Génie, où trônait un char démineur Patton. Avec un tel engin je balaierais comme fétus de paille les VTT des forces de l'ordre, ouvrant ainsi la voie au peuple jusqu'à l'Elysée. Malheureusement il y a une différence immense entre rêve et réalité. Surtout que, de nos jours, il est bien difficile de garder une opération de grande envergure secrète.
Bonne journée !
Bien sur et c'est un des griefs des gilets jaunes : Remplir les caisses de l'état... Pour combler la dette... Mais ce qu'ils n'admettent pas, c'est que l'on supprime ou réduise tous tous les services et que par contre les cadres politiques se gobergent dans le même temps et que l'on redonne de l'argent aux riches pendant qu'ils tirent la langue... Et ça, c'est facile à entendre et à comprendre... Se serre la ceinture, oui, mais tous...
SupprimerJe ne passe pas souvent par là... Mets plutôt tes commentaires sur canal, puisque de toute façon les articles sur blogger finissent sur canalblog...
Très bonne journée