Écrit par Henri ROURE, le mardi 27 novembre 2018
Je
ne crois ni aux hasards, ni aux coïncidences. Tout a un sens dès lors
que les évènements émanent d’une même source. C’est bien
sûr le cas en stratégie politique.
Si
nous considérons plusieurs faits récents, apparemment indépendants les
uns des autres, et si, avec un peu de réflexion et d’attention,
nous essayons de leur trouver un ferment commun, nous sommes immédiatement amenés à nous interroger sur les calculs qui sous-tendent certaines actions du gouvernement.
Un phénomène latent depuis quelques années vient de prendre une acuité
toute particulière avec les dirigeants actuels : les Français ne se
contentent plus des paroles issues du système politique traditionnel,
ils analysent et ils jugent de la pertinence des
décisions.
Désormais
ils s’informent grâce aux réseaux sociaux, à internet et à une
solidarité qui s’est créée en dehors des cheminements habituels
et qui porte un nom : ras-le-bol ! Ils en tirent inévitablement des
conclusions.
Dans un panorama d’insatisfaction nationale s’ajoutant à l’insécurité,
nous pouvons nous interroger, aussi, sur le fond des relations entre le pouvoir et l’armée. Les forces armées sont
les garantes de l’intégrité du territoire, de la défense de la population et des intérêts nationaux.
C’est dire que leur mission est essentielle, régalienne, et doit les
rendre intimes avec le peuple. Elles sont, d’ailleurs, constituées par
des citoyens qui en sont issus. Dans le paysage politique présent il est
bon de le rappeler.
Bien avant la révolte des
gilets jaunes
le président et ses soutiens ont montré à la fois une indifférence
hautaine et une crainte inavouée du peuple. Ils persévèrent.
Méconnaissant les gens-d’en-bas ils prennent des décisions
à l’emporte-pièce, en cohérence avec leur idéologie européiste et
mercantiliste, sans se soucier des conséquences sociales, parce qu’ils
se sentent assurés de leur intelligence et donc de la qualité de leurs
choix. Ils savent, cependant, probablement de manière
encore confuse et en sous-estimant les conséquences possibles, qu’ils ne sont pas à l’abri de sévères remous,
car leur politique ne sert pas la France indépendante alors que les
Français restent toujours attachés à leur pays, à leur mode de vie, à la
grandeur de leur histoire et à leur culture.
> Cette crainte a sans doute été confirmée par les actions des gilets
jaunes. Cette arrogance va de pair avec une inquiétude. Ils prennent
donc quelques précautions pour éviter un mouvement populaire puissant et
structuré qui viendrait à mettre en péril la
permanence de leur démarche politique. Mais nous pouvons douter de leur
compréhension de la situation, donc de la justesse de leur réaction…
Une de leur appréhension, non-dite,
serait que les armées sortent de leur neutralité en cas de crise majeure,
contestant la globalité de la politique conduite. Cette méfiance est en
soi une preuve supplémentaire d’une politique très sensiblement en
contradiction avec un destin national indépendant.
Ils ont à l’égard des militaires ce même regard qu’ils portent au peuple.
Ils
additionnent, donc, des gestes et des décisions vers les armées qui
visent à les affaiblir et à les décérébrer mais à les conserver
aux ordres. Cette action de défiance complète le désir de ne pas
développer un instrument de défense nationale, qui serait en
contradiction avec leur idéologie.
> Dans cette ligne, le président émet l’idée d’une armée européenne,
rejetant celle de patrie et montrant, à l’évidence, qu’il ignore
pourquoi un soldat accepte de mourir.
La Défense est un monde qui lui échappe. Il constitue, par essence, un obstacle
au supranationalisme financier.
Aucun
président, avant lui, n’a trouvé nécessaire de rappeler qu’il était
chef des armées. Les militaires savent parfaitement que
celui qui, seul, peut engager le feu nucléaire et décider d’une
opération militaire est bien le responsable suprême. Nul n’est besoin de le clamer et de défier et humilier un chef d’état-major pour asseoir une autorité constitutionnelle.
Pourtant il est surprenant que le président actuel réponde aux
questions d’un journaliste, à bord du porte-avions Charles de Gaulle,
tout juste sorti de sa grande visite, avec en fond de tableau un Rafale
Marine,
comme s’il voulait se mettre sous la protection de ces armées qu’il maltraite par ailleurs.
De même en imaginant d’accorder aux grands responsables militaires parisiens une prime conséquente de très haute responsabilité, sachant pertinemment qu’ils sont
les véritables chefs opérationnels des armées, alors que cadres et militaires du rang subissent toutes sortes de régressions sociales et financières
et se heurtent, au quotidien, à des conditions de vie professionnelles et personnelles difficiles.
Les
nantis sont censés être du côté du pouvoir ! Diviser pour régner et
faire accepter une nouvelle baisse de capacité opérationnelle
?
L’attitude du chef de l’État n’est paradoxale qu’en apparence.
Simultanément
le président - par l’intermédiaire de son ministre des comptes publics -
rabote le budget de la défense de 400 millions
d’euros, malgré la LPM, alors que la menace islamiste intérieure et extérieure est bien présente
et que l’immigration musulmane ne cesse pas. Il essaie de dissocier la
Nation et son armée, notamment, lors de la commémoration du centenaire
de l’armistice de 1918, refusant, en outre, d’honorer les maréchaux qui
ont conduit à la victoire l’armée de la nation
et non-pas des civils que l’on avait armés. Et, tout récemment, en
humiliant les Saint-Cyriens et, en fait tous les militaires,
en
faisant débaptiser la dernière promotion de l’Ecole Spéciale Militaire au prétexte que le parrain choisi,
le général LOUSTAUNAU-LACAU
- pourtant héros des deux guerres et de la Résistance, déporté par les
nazis.- ne répondrait pas aux critères de la bien-pensance, à laquelle
il voudrait se référer,
et aux critères de ceux qui ont fait son élection. Il bafoue le
contexte historique et la tradition d’une grande école qui a fourni à la
France ses sauveurs, des présidents et un saint. En agissant ainsi
c’est bien l’intimité du peuple et de son armée qu’il voudrait fracturer.
Il affiche le même mépris des militaires que du peuple.
Nous
pouvons dès lors nous interroger sur la finalité d’une politique
générale qui vise à appliquer contre vents et marées les obligations
supranationales du traité de Maastricht en s’opposant, notamment, aux
revendications populaires, pour s’inclure dans des règles budgétaires
inappropriées et à continuer, par petites touches, à résorber l’héritage
gaullien d’une politique militaire indépendante.
La réponse va de soi :
il faut tout faire pour réduire encore la souveraineté nationale
pour mieux
paraître, individuellement, dans la coterie mondialiste. D’ailleurs
certaines idées sont étonnantes, sortes de ballons sondes ; mais
qu’elles aient pu être émises donne la direction souhaitée par le
pouvoir actuel : Partage de la direction de la dissuasion
nucléaire avec un autre État, s’ajoutant à la proposition d’armée
européenne, partage du siège permanent au conseil de sécurité…D’un
personnage aussi complexe, élu grâce à une manipulation
médiatico-financière, partenaire des plus fervents « mondialistes »,
il n’y aurait là rien d’étonnant.
Général (2S) Henri ROURE
Ancien officier des Troupes de Marine
27 novembre 2018