mercredi 1 février 2017

Le temps des souvenirs et de la peur



Journal intime du 10 juillet 2008...

Depuis mon retour de Charikar, j'ai pris 10 kg (en deux mois et demi)...

Ensuite, une semaine de vacances, avec tête qui tourne, sans envie, sans volonté, sans sentiment fort... Et un petit voyage à Alès en train aux retrouvailles, parce que je ne me sentais pas capable de tenir le volant... ( Dommage, parce qu'en voiture j'aurais pu faire un détour dans les pyrénées assister aux obsèques de Nonovaky... Je l'aimais bien, bien que lui ne m'aimait pas...)...

Mes fonctions cognitives sont de plus en plus altérées. Mais surtout, ma volonté s'émousse. Pourquoi suis-je allé là-bas, chez ces barbares, dans l'état où je suis ? Pour me prouver quelque chose...
Je disais volontiers que je n'avais pas peur de la mort... Mais ne pas avoir peur est toujours l'effet de la mobilisation de notre volonté... Si ma volonté disparaît, (c'est à dire les facultés de mobiliser cette volonté), je risque bien d'avoir peur, je risque bien de ne plus maîtriser mon destin...

Déjà je ne parviens plus à faire de rangement, je renonce après des heures d'observation...

Il me faut faire des tâches simples, manuelles, comme de la couture... Cet après-midi, j'ai réparé mon épaulette, recousu deux boutons, rafistolé ma fourragère, bouffée par les mites, (surtout l'olive TOE)...
Enfin... C'est un retour sur mon passé, que j'ai méprisé, oublié, lorsque je pouvais aller de l'avant...
Mais maintenant que je sais mon avenir bien mince, je reviens sur ce passé, après tout, c'est un truc de vieux; c'est donc que je le suis devenu...

Même mon inspiration, qui était relativement importante, commence à faiblir...
J'ai de la peine à comprendre comment j'ai pu écrire tous ces poèmes...

Bien. Maintenant, j'écris comme cela vient, le talent en moins...

La dégradation s'accentue...
Je feuillette ces photos d'opérations extérieures et je repense à mon comportement dans la boite où je bosse (il n'y a jamais eu de photo)...

Je repense à ces coups de gueule, fustigeant Sarko devant les officiers et sous-off, traînant plus bas que terre le système de "management" de mon patron et son chien-chien (le directeur d'affaires) en face à face avec eux (je gueulais encore plus fort qu'eux...
Je songe à ce grand malabar que j'ai soulevé de terre, à ce fumeur que j'ai failli trucider dans le train, parce qu'il me fumait sous le pif...

Oui, j'ai été un homme, avec tout ce que cela a comporté de courage, de méchanceté, mais surtout de punition. Car avoir le franc parler et la tête brûlée, ne sont jamais récompensés, mais plutôt sanctionnés (carrière au placard, augmentation bloquée)... C'est bien fait pour ma gueule, après tout !
Oui, je n'avais qu'à me comporter comme les autres. Mais je ne suis pas les autres.
Je sais que mon père, là-haut, est fier de moi, même s'il me reproche certainement d'avoir agi comme lui...

C'est dans le sang, Papa !

La mort aussi est dans le corps. Elle progresse... Jusqu'à quand la mépriserais-je ?

La seule faculté que je voudrais garder, est la maîtrise de ma peur... Mais j'ai bien peur d'avoir peur !


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