dimanche 6 juillet 2014

Argot : Au temps de l’Argomuche





C’était du temps où on s’asseyait sur une pile de traverses de chemin de fer, ou sur un camion de peinture. Les aminches se réunissaient pour casser la graine. On sortait son schlass (pas l’surin, c’était pour les affranchis) et on se taillait un bon morceau de brichton, de ce brignolet à la mie jaune, qu’on accompagnait de sauciflard, ou bien d’une boite de sardines. Les plus pauvres se tapaient un oignon, ou bien du calendos, bicause les autres fromtons c’étaient pour les bourges. On arrosait tout ça avec du rouquin, un bon vieux pinard de chez Gévéor. On ne craignait pas de s’envoyer toute la boutanche de gros-qui-tache, ( quand on fait un métier d’homme, on a vite dépensé les calories). Le pichtegorne, c’est c’qui fait marcher la machine et c’est pas le picrate qui va faire la loi…

C’était des mecs, y fallait pas leur marcher sur les arpions, passque les nougats, c’est sacré. Y z’hésitaient pas à balancer un coup de targette et la castagne commencée à coups de lattes pouvait se terminer avec des pains de deux livres dans la gueule ; un bon parpaing n’ayant jamais fait de mal, sauf à celui qui trinque. Tant pis pour sa tronche si y s’est fait refaire le portrait à l’œil pour pas un rond.

Après, ceusses qu’avaient la dalle en pente, allaient au bistrot se jeter un p’tit dernier pousse-au-crime pour la route, histoire de s’rincer la glotte. Parfois on était murgé, complètement cuit, bourré, rond comme une queue de pelle. On serrait la louche des poteaux. Dédé se réconciliait avec Mimile et y s’serraient la pince. Attention, c’est qu’y’en a qu’avaient de foutus battoirs à la place des pognes ! Et on se cassait pour rentrer à la cagna (la casba, la taule, la crêche) voir si bobonne avait bien astiqué la bicoque. Eventuellement ça s’terminait au pieu, par une partie d’jambonneaux et mossieur envoyait la purée histoire de s’vider les burnes.

Les ceusses qu’avaient pas d’gonzesse et qu’avaient les valseuses en surpression, hé ben, y s’tapaient la veuve poignet ou y z’allaient au boxon pour tremper leur p’tit Lu et s'vidanger les roupettes.

Le plus terrible c’est quand les roussins vous tombaient sur l’palteau, alors fallait se trisser vite fait, mettre les adjas pour pas s’faire alpaguer par les archers.

Les macs du mitan, y s’faisaient pas chier : Les marlous allongeaient l’oseille aux argousins ripoux, vu qu’avoir un condé avec la maison Royco, ça évitait de casquer du flouze à un baveux qu’en foutait pas une rame.
Passqu’y faut dire que ces oiseaux-là (les bavards), y z’avaient une fâcheuse tendance à engourdir les biftons que nos gagneuses avaient péniblement affuré à la sueur de leur cramouille. Le grisbi, c’était sacré ! On palpait pas mal d'artiche, mais on gaspillait pas la braise ! Une fois entré dans les fouilles l’auber ne ressortait des profondes et on n’ouvrait l’morlingue qu’en cas d’absolue nécessité ; par exemple l’enterrement d’une écrémeuse (pour quelques talbins de dix sacs, il fallait être louf pour pas raquer).

L’mieux, pour un barbeau, pour pas êt’ dans la mouscaille, c’était d’pas fréquenter la maison poulaga et d’planquer ses tapineuses, voire de les dérouiller avec quelques mandales. Les torgnoles, ça discipline ! Les morues qu’avaient encore leur berlingue, on leur faisait faire un p’tit stage à Tanger avant d’les mettre au turf. Gare à celles qui s’faisaient poisser par les bleus et qui finissaient au ballon !

Le dimanche, les caves sapés avec leurs plus belles fringues (costard à rayures, limace et cravetouse sans oublier les écrases-merdes bicolores et la gapette à carreaux pour faire un tantinet apache), allaient gambiller au pince-fesses ou bien roupillaient dans leur plumard pour décuiter. Y faisaient une tyrolienne avec leur souris et après, une petite pipe, sauf si leur braquemard affichait fermaga. Dans c’cas là, polope, que dalle, nib…

Alors au lieu de rouscailler, apprenez à dégoiser la langue verte, la langue de ceusses qui ne voulaient plus être dans la mouscaille. Ah, ce n’est pas la jactance des grosses légumes, ni des gonzes à têtes de nœuds et de leurs bergères, ni celle des trouducs, des loufiats ou des rombières maniérées ! C’était la manière de jaspiner des titis démerdards, de Paname jusqu’à Pontruche, qui se réunissaient autour d’un perniflard ou d’un pastaga et faisaient péter une roteuse en faisant la foire à la boustifaille, charcutaille et pot-au-rif (pas de poulaga pour meszigues, ça m’file de l’eczéma) , du temps de mon dab et de ma mère tapdur…

Je salue au passage mon paternel et ma dabesse, qu’ont jamais eu les chocottes et qu’étaient réglos. Attendez-moi, je poireaute un peu, tant que j’peux arquer, mais quand j’vais décaniller (calencher, canner, claboter, clamser, claquer, passer l'arme à gauche), je radinerai, parole d’homme, et on s'fera une p'tite becquetance, là-haut…

Ça sera de nouveau l’bon temps, quoi !

2 commentaires:

  1. Super, cela me rappelle les dialogues de M.Audiard et mon enfance bien sûr, où l'argot était encore courant.
    Merci

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    1. Audiard et un petit peu Dard... C'est mon père qui m'a appris la langue verte du Titi Parigot (tête de veau)...
      Très bonne journée

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