dimanche 15 octobre 2023

Je voulais expliquer le problème qui se pose pour les Israëliens, mais j'ai trouvé quelqu'un qui écrit ce que je pense...

 ...et surtout mieux que moi... Alors, comme je ne suis pas jaloux :

https://www.slate.fr/story/254682/blog-sagalovitsch-comment-repondre-barbarie-israel-hamas


Comment répondre à la barbarie sans sombrer avec elle?

[BLOG You Will Never Hate Alone] Pour Israël, le défi est immense: parvenir à triompher d'un ennemi sans aucun scrupule tout en gardant une part d'humanité.


À l'heure où s'écrivent ces lignes, on ignore encore quelle sera l'ampleur de la réaction israélienne face aux atrocités commises par les terroristes du Hamas. On se doute cependant qu'elle sera féroce, brutale, impitoyable. Comment ne pourrait-elle pas l'être? L'extraordinaire barbarie à laquelle se sont livrés les terroristes exige une réponse à la hauteur de l'offense commise.

Seulement, une fois qu'on a dit cela, on n'a rien dit.

Quand on est une démocratie, elle-même enfant plus ou moins direct des commandements signifiés dans l'Ancien testament, lorsqu'on porte comme Israël la lourde charge d'incarner un héritage qui de tout temps a tenté de placer la morale et l'éthique au-delà de tout, quand sa mémoire saigne encore du souvenir de l'un des pires génocides jamais commis, de quelle manière procède-t-on afin de ne pas sombrer à son tour dans la barbarie?

À dire vrai, de seulement poser la question donne déjà le vertige. Que doit faire une nation éclairée quand elle a pour ennemi une organisation terroriste pour qui la vie humaine compte si peu? Et qui n'hésitera pas à employer tous les artifices, même les plus odieux, pour que les actes commis à son égard apparaissent sous leur jour le plus blafard?

En 2014, Amos Oz avait déjà posé le problème en ces termes: «Que feriez-vous si votre voisin d'en face s'asseyait sur son balcon, posait son petit garçon sur ses genoux, et commençait à tirer chez vous avec une mitrailleuse? Que feriez-vous si votre voisin d'en face creusait un tunnel de sa maison jusqu'à la vôtre afin de la faire exploser ou de kidnapper votre famille? Les tunnels constituent un système élaboré et difficile à tracer. Les entrées sont cachées dans des infrastructures publiques et privées, il faudrait faire du porte-à-porte pour réaliser de telles recherches –ce qui implique nécessairement des pertes civiles. Alors j'ai bien peur qu'il n'existe aucun autre moyen d'éviter les pertes civiles au sein de la population palestinienne tant que le voisin posera ses enfants sur ses genoux tout en tirant sur votre maison.»

Israël doit riposter, mais si la riposte s'accompagne comme c'est à craindre de scènes d'une violence insoutenable, d'enfants tués par l'éclat d'une bombe, de familles entières ensevelies sous les décombres, elle finira tôt ou tard par se retourner contre l'État hébreu, à qui on reprochera de manquer de discernement et de retenue.

Mais comment être dans la retenue quand l'ennemi a recours à des stratagèmes qui forcent son adversaire à adopter des mesures en contradiction avec les lois mêmes de la guerre si jamais elles ont existé un jour? Quand il ne lui laisse d'autres choix que de franchir une à une les limites de l'horreur? Quand il le pousse à quitter le terrain de la civilisation pour épouser les valeurs de la barbarie la plus échevelée? Quand il l'incite à le rejoindre dans les ténèbres de la guerre là où plus rien ne compte, ni l'honneur, ni la morale, ni la dignité, ni le respect, mais la seule victoire?

La guerre n'est jamais propre, elle tue sans discernement dans une apoplexie de la violence impossible à maîtriser, mais si l'un des deux protagonistes s'affranchit des règles élémentaires de la décence, s'il devient déloyal aux coutumes mêmes admises par temps de conflit, elle finit immanquablement en boucherie où il ne peut exister ni vainqueur ni vaincu, juste l'écœurement d'avoir touché les bas-fonds de la condition humaine.

Le piège posé par le Hamas est terrible, d'une perversité à la hauteur de la barbarie pratiquée samedi dernier. S'il doit sacrifier ses enfants, il les sacrifiera. Une nouvelle fois, tant qu'on n'aura pas intégré que pour des fanatiques religieux comme ceux du Hamas, la mort a plus de valeur que la vie, on ne saisira rien de l'extraordinaire complexité de la réponse à apporter par Israël. Il suffit de se souvenir des paroles de Mohamed Merah quelques minutes avant d'être transpercé de balles: «Moi la mort, je l'aime comme vous aimez la vie», pour comprendre l'impossible défi qui attend Israël.

Ce dernier doit trouver un équilibre entre la nécessité d'éliminer un par un ses ennemis, de les frapper avec le plus de détermination possible sans dépasser cette frontière invisible mais pourtant bien réelle qui sépare la légitime défense de l'ivresse du mal. Il lui faudra être résolu mais précautionneux, farouche sans être cruel, impitoyable et en même temps capable de discernement, d'un sang froid absolu qui aura d'autant plus de mal à s'exercer que les provocations seront infinies. Sans parler du sort des otages, qui complique considérablement les données du problème.

D'un terroriste qui prend son enfant comme bouclier, d'une maternité où viennent se cacher ses ennemis les plus acharnés, quelle conduite une armée d'un pays démocratique doit-elle tenir entre le souci de demeurer dans l'exact périmètre de la dignité humaine et le besoin d'éradiquer ceux susceptibles de venir un jour prochain égorger ses propres enfants, équation par nature impossible à résoudre et à laquelle pourtant sera confrontée jour après jour l'Etat hébreu?

De fait, on voit mal comment Israël pourrait sortir vainqueur de cette lutte tant les écueils sont nombreux.

Soit sa riposte ne sera pas assez forte pour se prévenir de futures attaques, ce qui équivaudra à dire qu'elle aura été inutile, soit elle s'accompagnera d'un nombre si élevé de victimes que la victoire aura le goût amer des défaites. Si Israël gagne militairement, elle perdra moralement. Et inversement.

Face à la barbarie, la civilisation est presque toujours perdante. Si elle s'abaisse à son niveau, elle perd de son autorité morale, si elle laisse la barbarie prospérer, elle se retrouve sous sa menace directe. Entre ces deux options, existe-t-il seulement un chemin qui permette de sauver son humanité tout en se prévenant d'attaques futures?

Il est permis d'en douter.

 

 

 

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