Écrit par Michel Onfray début septembre 2018
Votre
Altesse,
Votre
Excellence,
Votre
Sérénité,
Mon
cher Manu,
Mon
Roy,
La
presse a rapporté il y a peu que tu avais nommé un gueux pour représenter la
nation à Los Angeles. Il aurait pour seul titre de noblesse diplomatique,
disent les mauvaises langues, les jaloux et les envieux, un livre
hagiographique sur ta campagne présidentielle. En dehors de ce fait d’arme si
peu notoire que personne n’en connaît le titre, pas plus d’ailleurs que celui
des autres ouvrages du susdit, la plume est bien de celle qui se trouvent dans
les parties les moins nobles de la profession : le croupion, car c’est celle
que découvre le plus souvent la position de soumission inhérente à la fonction
des gendelettres - la prosternation. De Sartre à BHL chez Sarko (après Mao),
d’Aragon à André Glucskmann chez le même Sarko (après Mao lui aussi), de Drieu
la Rochelle à Sollers chez Balladur (après Mao également), de Brasillach à
Kristeva chez le Bulgare Jivkov (après Mao elle aussi), les cent dernières
années n’ont pas manqué d’écrivains doués… pour l’agenouillement politique!
Philippe
Besson entre dans cette vieille catégorie du valet de plume, mais on sait
désormais de quelle plumasserie ce jeune homme comme il faut relève. Ce genre
de plume n’est pas celui des plus talentueux, mais c’est celui des plus vendus
- je parle de l’homme, pas de l’auteur.
Manu,
on comprend que, toi qui aime tant les lettres, tu aies envie de câlins venus
des écrivains les plus à même de marquer le siècle et d’entrer dans la Pléiade
quand tu seras redevenu banquier. Mais si ce siècle doit être marqué par toi,
il n’y a pas grand dommage à ce qu’il le soit aussi par Besson le petit (à ne
pas confondre avec Besson le grand, l’écrivain Patrick, ni avec Besson la
championne d'athlétisme, Colette, ou bien encore avec Eric, le traître passé de
Ségolène à Sarkozy en pleine campagne présidentielle, ou bien encore avec le
Minimoy, Luc).
Avant
d’être flagorneur, Besson-le-Petit a été directeur des ressources humaines
auprès de Florence Parisot, dame du MEDEF, mais aussi auteur de scénario de
téléfilms, donc chevalier des Arts et Lettres. Convenons-en, tout ceci légitime
l’affirmation d’Arlette Chabot, qui faisait déjà de l’éditorialisme politique à
la télévision quand elle était en noir et blanc, la télévision, et n’avait qu’une
seule chaîne. Courageuse, audacieuse, résistante, rebelle, insoumise, l’Arlette
n’a en effet pas craint d’affirmer sur l’un des médias qui l’appointent que
tout ceci était habituel: Napoléon n’avait-il pas nommé Chateaubriand en son
temps et de Gaulle Romain Gary? En effet, en effet… Arlette, chère Arlette,
vous qui avez déjà les grades de chevalier puis d’officier de la Légion
d’honneur, je vous promets le grade supérieur pour bientôt! Si ce n’est déjà
fait, car vous méritez d’y avoir votre rond de serviette, vous serez aussi
bientôt invitée à la table de notre grand Mamamouchi en compagnie du
vérandaliste Stéphane Bern et des frères Bogdanov, les éminents membres
correspondants de la NASA française.
Votre
Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse, mon cher Manu, il a tout de
même fallu, pour que cette affectation de copinage ait lieu, que tu prennes la
décision d’un décret modifiant les règles de la nomination des diplomates afin
que ce ne soit plus le Quai d’Orsay qui ait la main mais le gouvernement, c’est
à dire, toi tout seul, chacun le sait. C’est ce que les langues vipérines
qualifient de fait du prince… Le décret te permet désormais de récompenser des
non-fonctionnaires, pourvu qu’ils aient été serviles. Bern ambassadeur chez
l’impératrice Sissi ou les Bogdanov nommés pour la même fonction sur Mars,
grâce à toi, c’est désormais devenu possible… La France redevient "great
again"!
J’ai
appris qu’en même temps, tu avais rendu possible cet autre fait du prince:
madame Agnès Saal a été nommée par un arrêté paru au Journal officiel
"haut-fonctionnaire à l’égalité, à la diversité et à la prévention des
discriminations auprès du secrétaire général du ministère de la culture".
En voilà un beau poste, et si moral en plus! Un beau jouet emblématique du
politiquement correct de notre époque.
Rappelons
un peu le CV de l’heureuse élue que tu gratifies à son tour. Cette dame s’était
fait connaître par des notes de taxi dispendieuses, plus de 40.000 euros tout
de même, et ce en grande partie au profit de ses enfants, quand elle était
directrice générale du centre Pompidou et présidente de l’INA, un institut que
tu connais très très bien, n’est-ce pas? Pour ces malversations, elle avait été
condamnée à six mois de suspension sans solde (probablement selon les principes
de ce que l’on peut désormais nommer la jurisprudence Benalla…), puis à trois
mois de prison avec sursis et une double amende. Elle avait été réintégrée en
douce au ministère de la culture à l’été 2016 (il faut faire gaffe aux
nominations d’été...) comme chargée de mission auprès du secrétariat général en
vue de la finalisation de labellisation AFNOR sur l’égalité professionnelle et
la diversité.
Précisons
aussi ceci: selon Mediapart, la même madame Saal, décidément très récompensée -
on se demande pourquoi - figurerait également "dans la liste très
restreinte des hauts fonctionnaires, qui, par un arrêté du 3 août 2018 signé
par le Premier ministre, ont été inscrits à compter du premier janvier 2018,
donc rétroactivement, au "tableau d’avancement à l’échelon spécial du
grade d’administrateur général". Ce qui, en d’autres termes, veut dire
que, pendant les vacances du Roy à Brégançon, cette procédure qui ne relève pas
du traditionnel avancement mais d’une volonté politique expresse, a permis à ladite
dame de profiter d’une hausse de son traitement allant jusqu’à 6.138 euros par
an, indemnité de résidence à Paris comprise, soit au total près de 74.000 euros
de traitement annuel. S’y ajoute un supplément sous forme d’indemnité qui
augmente sa retraite des fonctionnaires d’environ 10%. Quand tu aimes, mon cher
Manu, ça n’est pas pour rien et ça se voit!
Françoise
Nyssen, rappelons-le pour les millions de Français qui l’ignorent encore, est
ministre de la culture. C’est elle qui a mis en musique la mélodie sifflée à
son oreille par le président. Face au déchaînement que cette nomination a
légitimement suscité, elle fait savoir ceci sur les réseaux sociaux: "J’ai
nommé Mme Agnès Saal (j’épèle : S . A . A . L, car on pourrait mal
orthographier…) haute fonctionnaire à l’égalité et à la diversité. J’ai fait de
cette cause une priorité dès mon arrivée au ministère de la culture. La qualité
de son engagement et de son travail au service de ces valeurs fondamentales
devrait guider les commentaires aujourd’hui". On ignore quelle est la
"cause" en question: madame Saal, ou les fameuses valeurs ici prises
en otage?
Mais
Françoise Nyssen, c’est également l’éditrice qui a sciemment fraudé deux fois
le fisc en ne déclarant pas de considérables agrandissements d’espace, une fois
en Arles, au siège de sa maison d’édition, une autre fois à Paris. Le Canard
enchaîné, qui a levé le lièvre, a chiffré la fortune économisée par ce double
forfait! Ca en fait des APL pour les étudiants désargentés, je te jure!
Qui
se ressemble s’assemble. Dès lors, il était normal que, sous ton autorité, sous
tes ordres, selon ton désir, selon ton souhait, selon ta volonté, selon tes
vœux, mon Prince, mon Roy, mon grand Mamamouchi, le vice récompense le vice. En
un peu plus d’un an, de Richard Ferrand à Alexandre Benalla, via cette dame
Saal, tu nous y as déjà tellement habitués!
Sais-tu,
mon cher Manu, que des caissières qui ont utilisé à leur petit profit des bons
de réduction de deux ou trois euros qui trainaient sur la caisse, ou que des
employés de grand magasin qui ont mangé un fruit prélevé dans les rayonnages,
ont été sèchement licenciés, eux, sans indemnités, sans planques payées par les
contribuables et sans possibilité de retrouver du travail fort bien payé avec
les avantages de la fonction à la clé? Probablement une nouvelle belle et
grosse voiture avec chauffeur…
J’ai
appris aussi que ton si bon ami Benalla s’était rendu coupable de charmants
forfaits depuis ceux que l’on a bien connus l’été dernier. Mais l’incendie a
été joliment éteint - sûrement pas avec l’eau de la piscine que tu t’es
fait construire à Brégançon, pas pour toi, oh non, bien sûr, mais par
altruisme, pour les enfants du personnel de la résidence royale plus
sûrement.
En
garde à vue, la police a souhaité perquisitionner le domicile de ton si cher
ami Benalla. Elle voulait notamment accéder à son coffre-fort. Tenus par la loi
à ne pas entrer dans l’appartement avant l’heure légale, les policiers ont posé
des scellés le soir et attendu le lendemain. Mais le coffre-fort a été vidé
dans la nuit! On a le bras long chez les Benalla puisque du commissariat on
peut atteindre un coffre-fort chez soi en pleine nuit. Les quatre armes qui
devaient s’y trouver n’y étaient plus - soit tout de même trois pistolets et un
fusil, pour un homme qui n’a que deux mains, ça fait tout de même beaucoup… Sa
femme avait les clés, il avait dit quelle était à l’étranger : elle se cachait
en fait dans le seizième arrondissement de Paris. Il est vrai que pour de
nombreux français cet arrondissement de nantis équivaut bien à un pays
étranger.
Votre
Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse, mon cher Manu, il me semble
tout de même qu’il vaut mieux faire partie de ta cour que d’être un senior
amputé de sa retraite, être un plumitif courbé plutôt qu’un écrivain debout,
être une énarque de gauche qui tape dans la caisse de l’Etat pour financer les
transports de sa progéniture, plutôt qu’un étudiant à qui tu voles dans sa
poche cinq euros d’APL, être un cogneur de manifestants avec un brassard de la
police et une accréditation de l’Elysée qu’un syndicaliste défendant le droit
du travail.
Votre
Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse, mon cher Manu, j’aimerais
que tu m’aimes et ce pour trois raison. La première: pour être nommé sans
compétence consul des provinces et des régions françaises dans le sixième
arrondissement de Paris, voire le seizième – tu le peux, je le sais, il suffit
que tu le veuilles; la deuxième: pour permettre à ma vieille mère qui n’a pas
son permis de conduire et qui a quatre-vingt-quatre ans, de pouvoir disposer
d’un taxi gratuit à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour aller
faire ses visites médicales à une demi-heure de chez elle, le tout payé avec
l’argent du contribuable tu le peux, je le sais, il suffit que tu le
veuilles; la troisième: pour avoir chez moi des armes à feu en quantité,
mais aussi et surtout, pour pouvoir tabasser les gens qui me déplaisent en
portant un casque sur la tête, en distribuant des coups de matraque et en
disposant de CRS ou de la police comme couverture à mes descentes de
petite-frappe - tu le peux, je le sais, il suffit que tu le veuilles.
S’il
te plait, votre Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse, mon cher
Manu: veuilles-le. Je te promets pour ce faire de me prosterner moi aussi, de
montrer les plumes de mon cul aux passants, de dire du bien de toi avec des
articles, des conférences et des livres, je te jure, j’irai sur les chaînes et
les radios du service public pour certifier, comme Arlette Chabot, qu’entre
Napoléon, de Gaulle et toi, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de
cigarette, Joffrin ne me reconnaîtra pas, il m’aimera peut-être lui aussi comme
il a aimé jadis Bernard Tapie et Philippe de Villiers. Je pourrai écrire aussi
une biographie de Stéphane Bern avec une préface de Brigitte ex-Trogneux,
passer une thèse de physique quantique avec tes amis les frères Bogdanov comme
directeurs de travaux. Je pourrais même consacrer un séminaire de littérature
comparée à l’œuvre de Philippe Besson que je mettrai en perspective avec celle
de James Joyce. S’il te plait, tu le peux, tu es mon Roy. J’habite place de la
Résistance à Caen, fais-moi signe.
Veuillez,
votre Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse, mon cher Manu, mon
chéri, recevoir l’expression de ma considération la plus courtisane. Vive la
République, vive la France, mais surtout: Vive Toi !
Michel
Onfray
Post-scriptum
: des bises à la Reine.
Post-scriptum
2: j’apprends à cette heure que tu as fait du jet-ski à fond les ballons
avec Brigitte quand tu étais à Brégançon et ce dans une zone interdite à la
navigation et au mouillage - tu y as pourtant grandement navigué et vraiment
mouillé. Cette réserve marine protégée ne doit être troublé par aucun véhicule
à moteur. Il y eut pourtant tes deux jets-ski et ton gros bateau avec un moteur
de 150 chevaux - qui sait, peut être empruntés à Nicolas Hulot, car on sait
que, comme toi, il est un écologiste qui collectionne les engins motorisés.
Protéger l’environnement marin et préserver la biodiversité dans les eaux du
parc national de Port-Cros, pour toi qui fume du glyphosate chaque matin au
petit déjeuner, ça compte pour rien, n’est-ce pas?
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