Vu du monde arabe.
Publié le 31 octobre 2010 sur Yahoo. Accès libre et gratuit !
Azmi Bichara, intellectuel palestinien vivant au Qatar, explique pourquoi les musulmans doivent comprendre le cadre intellectuel français. Et comment les Français devraient appréhender la façon dont ils sont regardés de l’extérieur.
“Débattre de la liberté d’expression, de la tolérance et de la laïcité malgré un climat de démagogie.” C’est ce que se propose de faire Azmi Bichara, intellectuel palestinien installé au Qatar, où il dirige le puissant Centre arabe de recherches et études politiques, dans un long article publié à la fois par Al-Araby Al-Jadid, qui dépend de ce même Centre, et par le site libanais Al-Modon.
Alors que les discours extrêmes, les réactions à fleur de peau et les surenchères démagogiques fleurissent dans la presse arabe, il essaie de prendre du recul historique et théorique.
Condamner le meurtre sans ‘mais’
D’emblée, il souligne que “la liberté d’expression est un des fondements de la démocratie”. Il ajoute même que “la provocation délibérée peut être considérée comme acceptable dans les arts et la littérature.” Et de souligner :
L’assassinat d’un professeur d’histoire est un crime qu’il faut condamner sans fausses pudeurs et sans ajouter de ‘mais’. Car ce qui suit le ‘mais’ consiste généralement à justifier le crime.
“Par ailleurs, il n’est pas admissible de justifier un meurtre en arguant qu’il y a des musulmans qui souffrent à tel ou tel endroit. […] À une parole, on répond par une parole, et à un quolibet par un quolibet”, poursuit-il.
Il ajoute néanmoins des réflexions sur l’état du débat “difficile entre le Nord et le Sud de la Méditerranée” : “Il est généralement permis dans les démocraties libérales de s’en prendre aux symboles du sacré et de heurter la sensibilité religieuse d’autrui, parce qu’il est difficile de définir légalement les limites d’une sensibilité et que cela pourrait être utilisé de manière arbitraire pour faire taire des idées. […] Cela ne veut pas dire pour autant que la liberté d’expression consiste forcément à le faire.”
Selon lui, “l’insulte par des canaux médiatiques ou officiels n’est pas quelque chose de normal. […] La tolérance peut parfois exiger de ne pas tout dire.”
Le tact, élément de la tolérance
“L’immense majorité des musulmans rejettent l’extrémisme, la violence comme moyen de répondre à un discours et la violence politique en général. Mais ils ne comprennent pas pourquoi il faudrait délibérément offenser des symboles religieux. Ils ont l’impression qu’on fait exprès de les insulter quand [une caricature] est accrochée à un bâtiment officiel”, conclut-il.
L’article a reçu un certain écho dans le monde arabe. Même s’il parle d’une conception “extrême” de la laïcité à la française et même s’il critique Emmanuel Macron pour avoir “confondu la crise de certains musulmans avec une crise générale de l’islam”, il se tient plutôt à l’écart des polémiques épidermiques.
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